La tribune de l’association Arrête Ton Char sur la nouvelle réforme du collège, la place que les Langues et Cultures de l’Antiquité devraient tenir dans le parcours de tous les élèves pour contribuer à une meilleure maîtrise du français, et sur le manque d’investissement de la France dans son école.
À diffuser aussi largement que possible.
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La baisse du niveau de maîtrise des savoirs fondamentaux par les élèves français et l’hétérogénéité toujours grandissante des classes sont des problèmes que personne ne peut nier et auxquels il est urgent de trouver des solutions.
Cependant les problèmes de l’école ne seront résolus ni par de simples annonces médiatiques à visée électoraliste, ni par un inventaire de dispositifs impréparés, imposés aux équipes éducatives et surtout sans moyens supplémentaires.
En effet, l’empilement de mesures annoncées pour la nouvelle réforme des collèges (groupes de niveau de la 6e à la 3e, retour du redoublement, création d’une classe “prépa-lycée” pour les élèves n’ayant pas obtenu leur brevet, remplacement de tous les manuels dans toutes les matières…) doit se faire à moyens constants, voire en baisse compte tenu du plan d’austérité prévu ces cinq prochaines années qui n’épargne pas l’éducation nationale. Le 22 février dernier, 692 millions d’euros de budget de l’Education Nationale ont été annulés au budget 2024, auxquels il faut ajouter les réductions des budgets de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la culture et de l’environnement qui vont réduire respectivement les projets culturels et les projets de rénovation du bâti scolaire.
Si la France est réellement inquiète de la baisse du niveau de ses élèves et veut porter une réelle ambition pour sa jeunesse, elle doit cesser de réduire systématiquement la part de son budget consacré à l’éducation mais au contraire l’augmenter significativement. Il y a 30 ans la dépense intérieure d’éducation (ou DIE) représentait 7,7% du PIB, elle n’est plus aujourd’hui que de 6,8%. Revenir aujourd’hui à une DIE de 7,7% du PIB, permettrait de dégager près de 23 milliards pour l’école chaque année.
Les prérequis à un meilleur fonctionnement de l’école sont pourtant connus de tous depuis longtemps.
– Il faut assurer un recrutement d’enseignants de haut niveau en leur offrant un salaire décent et une formation initiale et continue de qualité qui participeront à l’attractivité du métier. Les enseignants français font partie des enseignants les moins bien payés de toute l’OCDE. Ils ont vu leur pouvoir d’achat baisser de 25% sur ces quarante dernières années tandis qu’il a augmenté de près de 12% en moyenne ces 15 dernières années dans les pays de l’OCDE. En 1980, un enseignant débutant touchait l’équivalent de 2,3 smic. Aujourd’hui il ne touche plus qu’1,2 smic. Les enseignants sont des fonctionnaires de catégorie A, ils touchent pourtant 800 à 900€ mensuels de moins que les autres fonctionnaires de cette catégorie.
– Il faut réduire les effectifs des classes françaises du primaire au secondaire qui sont les plus chargées d’Europe et ne permettent pas d’accompagner convenablement tous les élèves. Les classes d’élémentaire en France comptent 22 élèves en moyenne contre 19 dans les 22 autres pays de l’UE membre de l’OCDE. Les classes de collège en France comptent en moyenne 26 élèves contre 21 élèves dans les pays de l’UE membre de l’OCDE).
– Il faut arrêter de réduire les horaires hebdomadaires des élèves et de supprimer des heures dans certaines matières pour faire des économies et financer les nouveaux dispositifs mis en place. En 1982, l’horaire hebdomadaire de cours des élèves de 6e était de 27h30. Il sera de 25h à compter de la rentrée 2024, soit l’équivalent de plus de trois semaines de cours perdues en 40 ans, près d’un dixième de l’année scolaire.
– Il faut arrêter de mettre en place, avec dogmatisme, de nouveaux dispositifs qui vont disparaître dans les années qui suivent sans que leur efficacité sur les progrès des élèves ait jamais été évaluée rigoureusement (B2i, EPI, Accompagnement Personnalisé, Devoirs faits, évaluation par compétences, parcours Pix, généralisation des tablettes numériques…).
– Il faut, contrairement à ce qui a été fait ces cinquante dernières années, augmenter le temps d’apprentissage de la langue française, car la réussite des élèves dans toutes les autres disciplines passe d’abord par la maîtrise de celle-ci. En cinquante ans, les horaires de français cumulés du CP à la classe de 3e du collège ont été réduits de près de 40%.
Malheureusement, force est de constater que la volonté politique d’investir dans l’école n’est pas au rendez-vous. Ainsi, de nombreux établissements sont déjà contraints, pour mettre en place cette nouvelle réforme, de rogner sur certains dispositifs en place ou sur les options facultatives telles que les Langues et Cultures de l’Antiquité (latin et grec ancien), réduisant ainsi l’offre pédagogique.
Pourtant, l’association Arrête Ton Char, qui a toujours été force de proposition, a rédigé et présenté au Ministère de l’Education Nationale au mois de novembre dernier un rapport d’une quarantaine de pages de propositions, dans le cadre de la mission “exigence des savoirs”, pour améliorer l’enseignement du français par le recours aux langues et cultures de l’Antiquité pour tous les élèves.
Lire notre dossier : https://www.arretetonchar.fr/exigence-des-savoirs-francais-culture-antique-pour-tous/
En effet, l’école du “choc des savoirs” ne peut priver une partie des élèves d’une véritable découverte des Langues et Cultures de l’Antiquité qui ont irrigué une bonne partie des langues modernes, mais également tous les domaines de la pensée, des arts et de la science. Aussi, nous appelons à ce que le dispositif Français Culture Antique soit intégré aux programmes et au cursus de tous les élèves, et que soit réaffirmée dans les textes la place primordiale qu’occupe, pour tous les élèves, l’étude des langues et cultures de l’Antiquité au cycle 4 pour le développement d’une culture générale, d’une meilleure maîtrise des langues, et la formation de citoyens ouverts aux autres et capables de penser le monde qui les entoure, grâce à la mise en perspective des mondes anciens.
C’est un appel à la mobilisation citoyenne pour l’école que lance aujourd’hui l’association Arrête Ton Char. Nous appelons donc tous les parents d’élèves, bien sûr, mais aussi toutes les Françaises et tous les Français, toutes les personnalités du monde de la culture, des médias ou de la politique, à peser de tout leur poids pour défendre l’école de la République, cette école française qui a très longtemps été regardée comme un grand modèle un peu partout dans le monde et qui est aujourd’hui maltraitée encore une fois par souci d’économie.
Le fameux “choc d’attractivité” appelé de ses voeux par le Ministère pour pallier la faillite du recrutement de nouveaux enseignants s’étant soldé par une augmentation de 500% des démissions d’enseignants ces dix dernières années, n’attendons pas que le “choc des savoirs” annoncé ait les mêmes effets sur l’école de nos enfants.
L’association Arrête Ton Char
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Tribune diffusée par le journal Le Nouvel Obs :
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