Quand Game of Thrones revisite le sacrifice d’Iphigénie

Saison 5 – Episode 9 : Une danse avec les dragons (The Dance of Dragons) (2015)

Résumé rapide d’une partie de l’épisode : La prêtresse de R’hllor Mélisandre a dévoilé au roi Stannis Barathéon qu’il doit sacrifier sa jeune fille pour obtenir la faveur des dieux. Le père, hésitant encore un peu, discute avec la jeune Shireen et lui explique que parfois, un homme est obligé de faire un choix pour accomplir son destin, quelles qu’en soient les conséquences. Shireen, douce et virginale, propose alors son aide, sans savoir ce que cela implique. S’en suit une scène difficile à soutenir, qui nous montre Shireen sacrifiée sur un bûcher, sous les yeux de ses parents et de tous les soldats du camps…


Cet épisode de la série rappelle évidemment l’épisode mythologique du sacrifice d’Iphigénie, appelé par le devin Calchas et accepté par Agamemnon aux noms d’intérêts supérieurs. Il nous démontre également que les scénaristes de Game of Thrones ont une connaissance très fine de l’antiquité, puisque plusieurs sources antiques sont convoquées.

(Nota Bene : dans le roman, la scène ne figure pas, mais l’auteur , George R. R. Martin, amateur de la littérature et de l’art antique, a déclaré dans une interview, qu’il avait toujours envisagé une telle fin.)

Pour le montrer, reprenons le déroulement de la scène :

Au début de l’épisode 9 de la saison 5 de Game of Thrones, les troupes du roi Stannis Barathéon sont ralenties dans leur avancée par une épaisse neige… Par ailleurs, des hommes de Ramsey Bolton, un de ses ennemis, se sont introduits dans le camp et ont allumé des incendies, occasionnant de lourdes pertes, détruisant les stocks de nourriture. Le moral de l’armée est alors au plus bas.

Dans l’Iliade, au chant II, alors que nous sommes dans la neuvième année de la guerre de Troie, le roi Agamemnon a fait un songe prémonitoire : il est désormais sûr de la victoire des Grecs. Voulant mettre à l’épreuve ses troupes, il feint le départ. Ulysse retient les Grecs en rappelant qu’il ne convient pas de céder au découragement, mais qu’au contraire, il faut rester et achever courageusement la guerre :

Or, pour nous, la neuvième année achève son cours, depuis que nous attendons ici. Aussi je ne m’indigne pas de l’impatience des Achéens, près des vaisseaux recourbés.Mais, malgré tout, c’est une honte de rester longtemps ici pour s’en retourner les mains vides. Prenez courage, amis, (…)

 

La figure du “sage” Ulysse se retrouve en quelque sorte dans la série en Davos, le conseiller proche de l’impétueux roi Stannis, qui lui aussi appelle à ne pas se laisser aller. Davos a fait preuve à plusieurs reprises, depuis son apparition dans la série, de la “ruse” et la sagesse d’Ulysse, alors même qu’il n’avait pas reçu d’éducation. (La fille du roi Stannis, d’ailleurs, vient de lui apprendre à lire.)

Le roi Stannis ordonne à Davos de quitter le camp, en proie aux plus grandes difficultés et à une rebellion latente, pour se rendre à Châteaunoir et réclamer des vivres et des chevaux à l’allié Jon Snow.

Avant de partir, Davos rend visite à la jeune Shireen, pour qui il éprouve des sentiments quasi paternels.

Il la trouve en train de lire La Danse des Dragons, l’histoire d’un chevalier tueur de dragons qui finit par être victime de l’un d’entre eux. Davos écoute la jeune fille lui résumer ce qu’elle vient de lire, puis lui apprend qu’il va partir. Il lui offre alors un cadeau pour la remercier de lui avoir appris à lire… un cadeau à la portée bien symbolique, comme nous le verrons plus tard : un cerf sculpté dans le bois.

Les deux amis se quittent sur une promesse : celle de connaître tous les deux la fin de l’histoire des dragons. Shireen plaisante en lui expliquant qu’à son retour, il pourra seul lire le livre. Davos embrasse la jeune fille sur le front et s’en va.

Nous avions quitté notre résumé de l’Iliade aux vers 300… et au vers 303… c’est justement une histoire de dragons qui nous est racontée (Nota bene : évidemment, le “δράκων” d’Homère n’est pas le même que ceux de la série Game Of Thrones ! Un δράκων est un plutôt est serpent) :

χθιζά τε καὶ πρωΐζ᾽ ὅτ᾽ ἐς Αὐλίδα νῆες Ἀχαιῶν
ἠγερέθοντο κακὰ Πριάμῳ καὶ Τρωσὶ φέρουσαι,
ἡμεῖς δ᾽ ἀμφὶ περὶ κρήνην ἱεροὺς κατὰ βωμοὺς
ἕρδομεν ἀθανάτοισι τεληέσσας ἑκατόμβας
καλῇ ὑπὸ πλατανίστῳ ὅθεν ῥέεν ἀγλαὸν ὕδωρ·
ἔνθ᾽ ἐφάνη μέγα σῆμα· δράκων ἐπὶ νῶτα δαφοινὸς
σμερδαλέος, τόν ῥ᾽ αὐτὸς Ὀλύμπιος ἧκε φόως δέ,
310 βωμοῦ ὑπαΐξας πρός ῥα πλατάνιστον ὄρουσεν.
Ἔνθα δ᾽ ἔσαν στρουθοῖο νεοσσοί, νήπια τέκνα,
ὄζῳ ἐπ᾽ ἀκροτάτῳ πετάλοις ὑποπεπτηῶτες
ὀκτώ, ἀτὰρ μήτηρ ἐνάτη ἦν ἣ τέκε τέκνα·
ἔνθ᾽ ὅ γε τοὺς ἐλεεινὰ κατήσθιε τετριγῶτας·
μήτηρ δ᾽ ἀμφεποτᾶτο ὀδυρομένη φίλα τέκνα·
τὴν δ᾽ ἐλελιξάμενος πτέρυγος λάβεν ἀμφιαχυῖαν.
Αὐτὰρ ἐπεὶ κατὰ τέκνα φάγε στρουθοῖο καὶ αὐτήν,
τὸν μὲν ἀρίζηλον θῆκεν θεὸς ὅς περ ἔφηνε·
λᾶαν γάρ μιν ἔθηκε Κρόνου πάϊς ἀγκυλομήτεω·

à Aulis, les vaisseaux des Achéens se rassemblèrent, portant le malheur à Priam et aux Troyens, nous, réunis autour d’une fontaine, près des autels sacrés, nous offrions aux immortels des hécatombes parfaites, sous un beau platane, d’où coulait une eau brillante. Alors apparut un grand miracle. Un serpent au dos roux, effrayant, que l’Olympien lui-même envoyait au jour, s’élança de dessous l’autel et se dressa vers le platane. Il y avait là de petits moineaux, tout jeunes, sur la branche la plus haute, blottis sous les feuilles; ils étaient huit, et la mère qui les produisit faisait neuf. Le serpent les dévora malgré leurs cris affreux; la mère volait tout autour pleurant ses petits; enroulé à l’arbre, le serpent l’attrapa par une aile, gémissante.
Quand il eut dévoré les petits et la mère, lui, miraculeusement, fut transformé, par le dieu même qui l’avait fait apparaître : il fut transformé en pierre par le fils de Cronos à l’esprit retors;

Pour résumer, Ulysse rappelle aux Achéens découragés par neuf années de guerre sans victoire définitive un épisode “merveilleux” qui a eu lieu neuf ans plus tôt, alors qu’ils se trouvaient à Aulis, en Grèce, attendant pour partir vers Troie, et faisaient des sacrifices aux Dieux. Un dragon, envoyé par Zeus, était sorti de sous l’autel du sacrifice et avait jailli vers un platane pour s’attaquer aux neuf oiseaux qui y nichaient : une mère et ses neuf petits. Le monstre avait dévoré d’abord les oisillons, puis la mère en pleurs.

Cet épisode, qui avait dans un premier temps épouvanté les Grecs qui en furent témoins, fut clairement interprété par le devin Calchas : ces neuf oiseaux dévorés annonçaient neuf années à attendre avant une victoire éclatante !

De même que le serpent a dévoré les petits de l’oiseau et l’oiseau lui-même, huit petits, et la mère qui les produisit faisait neuf, de même, nous, nous combattrons le même nombre d’années, et, la dixième, nous prendrons la ville aux larges rues.
(source : idem)

Au chant II de l’Iliade, pour Ulysse, il n’y a donc plus de doute à avoir, à ce moment de l’histoire, comme neuf année plus tôt : les Grecs doivent rester à Troie car la victoire est assurée, et désormais proche. Homère nous dévoile ainsi au début de l’Iliade, via un récit dans le récit quelques détails du départ des Grecs depuis Aulis vers Troie, épisode qu’il n’a pas choisi de traiter autrement que dans des allusions dans l’Iliade. Il nous invite à faire un retour en arrière.

D’autres auteurs détailleront par la suite cet épisode, en particulier Euripide dans deux tragédies, Iphigénie à Aulis (-404) et Iphigénie en Tauride(-415 ). Neuf années plus tôt, au début de la guerre, Agamemnon a été désigné par la coalition des rois grecs pour diriger les troupes contre la ville de Troie. En effet, Ménélas, son frère, a contraint tous les rois grecs à honorer un serment et  à l’aider à reprendre son épouse, Hélène enlevée par Pâris, fils du roi de Troie.

Lorsque Agamemnon tente de lancer la flotte grecque réunie à Aulis vers les côtes de Troie, les vents restent défavorables et l’armée est bloquée (comme l’armée de Stannis, bloquée par la neige dans la série Game of Thrones).

Calchas le devin révèle alors qu’une offense commise par Agamemnon contre Artémis en est la cause et que seule la mort de sa fille Iphigénie apaisera la colère de la déesse.

Euripide, Iphigénie en Aulide, traduction G. Hinstin (1923) :

Agamemnon : (…) L’armée s’est donc rassemblée : elle est prête. Mais elle ne peut mettre à la voile, et reste immobile à Aulis. Que faire? nous interrogeons Calchas, qui nous répond par cet oracle : Iphigénie, ma fille, doit être immolée à Artémis, qui règne sur cette contrée : si nous offrons ce sacrifice à la déesse, nous obtiendrons un vent favorable et la ruine de Troie; sinon, tout nous sera refusé.(…)

 

Agamemnon refuse dans un premier temps le sacrifice, mais poussé par Ménélas et Ulysse, il s’y résigne.

Euripide, Iphigénie en Aulide, traduction G. Hinstin (1923) :

Non, mon enfant, ce n’est pas Ménélas qui me tient asservi, ce n’est pas à sa volonté que je cède, mais à la Grèce : que je le veuille ou non, c’est à elle que je dois t’immoler. Contre cette nécessité nous ne pouvons rien. Autant qu’il dépend de toi, ma fille et de moi, il faut que la Grèce soit libre; il faut que des Grecs ne se laissent pas ravir leurs femmes par des Barbares

 

Agamemnon a inventé un stratagème afin d’attirer Iphigénie à Aulis : on fait dire à Clytemnestre, son épouse, qu’Achille refuserait de partir si on ne lui accordait pas la main d’Iphigénie.

 

Une fois arrivées au camp achéen, Clytemnestre et Iphigénie finissent par apprendre le funeste destin qui est réservé à cette dernière. Consciente, toutefois, de la nécessité du sacrifice vis-à-vis de la Grèce, Iphigénie accepte de mourir.

Euripide, Iphigénie en Aulide, traduction G. Hinstin (1923) :

la vie d’un seul homme est plus précieuse que celle de mille femmes. Et, si Artémis demande mon sang, ferai-je obstacle, moi simple mortelle, à la volonté d’une déesse? Non, c’est impossible. Je donne ma vie à la Grèce. Immolez-moi, renversez Troie ! Voilà ce qui rappellera mon nom à jamais, voilà mes enfants, mon hymen, et ma gloire. Il est juste que les Grecs commandent aux Barbares, mais non pas, ma mère, les Barbares aux Grecs : car c’est une race d’esclaves; eux sont des hommes libres.

 

Dans Game of Thrones, la jeune Shireen approuve elle aussi le sacrifice, sans vraiment comprendre ce que cela implique. Après Davos, c’est Stannis Barathéon qui rend visite à la jeune, qui s’est replongée dans la lecture, le cerf à la main.

La jeune princesse est pleine de tendresse et de sollicitude pour son père : elle lui demande s’il n’a pas froid. Il répond par la négative, et l’interroge sur ce qu’elle est en train de lire. Elle parle de la Danse des Dragons, évoquant le conflit entre deux Targaryen se déchirant pour monter sur le Trône. Elle explique qu’à la fin du conflit, des milliers d’hommes avaient péri et que les Targaryen ne s’en sont jamais remis. (ce qui nous rappelle un peu la fin de la guerre de la Troie, d’ailleurs, avec deux frères bien opposés, qui ne se remettront jamais de la fin de la guerre…)

Stannis lui demande quel parti elle aurait choisi, ce à quoi elle répond qu’elle n’aurait pas fait de choix car le conflit a déclenché un carnage qu’elle réprouve. Son père lui explique que parfois, il n’y a d’autre alternative que de choisir… et d’accomplir son destin, celui auquel on se pense destiné.

Voici un extrait du dialogue (en anglais) :

Stannis Baratheon: If you had to choose between Rhaenyra and Aegon, who’d you have chosen?
Shireen Baratheon: I wouldn’t have chosen either. It’s all the choosing sides that made everything so horrible.
Stannis Baratheon: Sometimes a person much choose. Sometimes… the world forces his hand. If a man knows what he is and remains true to himself, the choice is no choice at all. He must fulfill his destiny, and become who he is meant to be. However much he may hate it.

On retrouve dans ces mots de Stannis beaucoup des paroles d’Agamemnon citées un peu plus haut ! Il en va de même avec la suite du dialogue : Shireen, candide, demande à son père, si elle peut l’aider. Il répond que oui, la serre dans ses bras, l’air abattu, et lui demande de le pardonner.

On pourrait presque sous-titrer la scène, tragique, avec ce dialogue extrait d’Iphigénie à Aulis à partir des vers 653 :

Ιφ. : οὐκ οἶδ´ ὅτι φήις, οὐκ οἶδα, φίλτατ´ ἐμοὶ πάτερ.
(…)
Αγ. παπαῖ· τὸ σιγᾶν οὐ σθένω, σὲ δ’ ἤινεσα.
Ιφ. μέν’, ὦ πάτερ, κατ’ οἶκον ἐπὶ τέκνοις σέθεν.
Αγ. θέλω γε, τὸ θέλειν†δ’ οὐκ ἔχων ἀλγύνομαι.

Iphigénie : Je ne sais pas ce que tu veux dire, et pourtant je le sais, ô mon père bien-aimé!
Agamemnon : Tes paroles pleines de sens ajoutent encore à mon attendrissement.
Iphigénie : Eh bien! j’en dirai d’insensées, si je puis t’égayer ainsi.
Agamemnon : Ah! je n’ai plus la force de me taire. C’est bien, ma fille.
Iphigénie : Reste, ô mon père, dans ta demeure, auprès de tes enfants.
Agamemnon : Je le voudrais bien; mais je n’ai pas le droit de le vouloir, et c’est ce qui me fait souffrir.

 

Quelques instants plus tard, la jeune fille, toujours avec le cerf de Davos dans les mains, est guidée sous le regard des hommes du camps, par quatre soldats vers un bûcher. Lorsqu’elle comprend enfin, Shireen demande à voir son père. La prêtresse Mélisandre lui dit, impassible, qu’il va bientôt les rejoindre.

Shireen est alors attachée sans pouvoir se défendre et continue à réclamer son père. Les deux parents arrivent, la mine fermée, pour assister à la scène. Stannis, en tant que roi, reste ferme ; son épouse Selyse, qui jusque-là a brillé par son fanatisme, cherche à se convaincre qu’ils ont fait le bon choix. En cela, Sélyse est bien différente de Clytemnestre, qui a montré plus de tendresse envers sa fille.

L’enfant interpelle ses parents, tandis que Mélisandre psalmodie des prières aux dieux de la lumière. Elle hurle en suppliant particulièrement sa mère.

Un doute s’insinue alors dans l’esprit de Selyse, mais il est trop tard, elle ne peut plus rien faire. Son mari, cette fois, lui rappelle que le sacrifice d’un enfant de sang royal est nécessaire, et elle assiste, contrainte, à l’agonie de son enfant, pour laquelle elle maudira finalement son mari.

Au moment du sacrifice, Artémis aurait, suivant certaines versions du mythe antique, et notamment dans Iphigénie à Aulis, été remplacée in extremis par une biche, afin de la préserver de la folie des hommes, et en aurait fait la prêtresse de son temple en Tauride. Les  représentations antique du sacrifice d’Iphigénie sont très souvent empreintes de cette version avancée dans la pièce d’Euripide.

Ce vase est particulièrement éloquent. Il nous montre Iphigénie, à gauche, fléchie, tenue à la taille par un soldat qui la traîne vers l’autel, ou l’attend un homme (un autre soldat ?)  tenant une arme dans la main gauche. A droite, préfigurant le dénouement heureux de la scène, Artémis regarde la scène, tenant à la main une toute petite biche :

Oenochoe attique à figures rouges, attribué au peintre de Schuvalov, vers 430-420, Kiel, Kunsthalle, B538, source : revue Aitia https://aitia.revues.org/906

Involontairement, certainement, il y a un lien fort avec cette scène de la série :

 

Cet autre vase, conservé au British Museum de Londres, montre la transformation d’Iphigénie en cours, alors que le père (ou le devin Calchas ?) procède au sacrifice :

Pottery: red-figured volute-krater (bowl for mixing wine and water) showing the sacrifice of Iphigeneia. Agamemnon prepares to sacrifice her, but Artemis intervenes and turns her into a deer. The scene may have been inspired by Euripides’ tragedy Iphigene / source : http://www.britishmuseum.org/research/collection_online/collection_object_details/collection_image_gallery.aspx?partid=1&assetid=130312001&objectid=463408

 

Sur cette fresque de Pompéi, on voit au centre la jeune Iphigénie, qu’Ulysse et Diomède traînent de force vers le lieu du sacrifice. A gauche, son père, affligé, se couvre le visage ; à droite, Calchas, terrifié, hésite. En haut, Artémis accueille sur son nuage la jeune fille sur le dos d’une biche. :

Fresque de Pompéi, dans le péristyle de la maison du poète tragique, 1er siècle, 4ème style impérial, musée national archéologique de Naples. Le sujet aurait pour modèle le célèbre tableau perdu de Timanthe de Cythnos (fin du Ve siècle av. J.-C.).

 

Idem sur cette mosaïque, également retrouvée à Pompéi :

Fresque du premier siècle, retrouvée à Empuries en 1848, exposée au Museu Arqueològic de Catalunya deu d’Empúries / source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/9/95/Sacrifici_d%27Ifig%C3%A8nia_%28Emp%C3%BAries%29.jpg

La série n’a pas choisi de faire de Davos-Ulysse un “complice” du sacrifice, et la prêtresse n’a aucun moment de doute, mais on retrouve cette même dualité dans les expressions : un père impassible, une mère effondrée.

Le sacrifice d’Iphigénie n’est pas le seul sacrifice d’enfant rapporté dans la littérature grecque, Hérodote nous offre de nombreux autres exemples de sacrifice d’enfants (I.86, II.199, III.11, VII.114) et de morts par les flammes (I.86, II.107, III.16, III.45, IV.69).

Concluons cette scène par la lecture, à nouveau, d’Euripide :

(ΚΛΥΤΑΙΜΗΣΤΡΑ) ὦ παῖ, θεῶν τοῦ κλέμμα γέγονας;
πῶς σε προσείπω; πῶς δ´ οὐ φῶ
παραμυθεῖσθαι τούσδε μάτην
μύθους, ὥς σου
πένθους λυγροῦ παυσαίμην;

(ΧΟΡΟΣ) καὶ μὴν Ἀγαμέμνων ἄναξ στείχει,
τούσδ´ αὐτοὺς ἔχων σοι φράζειν μύθους.

(ΑΓΑΜΕΜΝΩΝ) γύναι, θυγατρὸς ἕνεκ´ ὄλβιοι γενοίμεθ´ ἄν·
ἔχει γὰρ ὄντως ἐν θεοῖς ὁμιλίαν.
χρὴ δέ σε λαβοῦσαν τόνδε μόσχον νεαγενῆ
στείχειν πρὸς οἴκους· ὡς στρατὸς πρὸς πλοῦν ὁρᾶι.
καὶ χαῖρε· χρόνιά γε τἀμά σοι προσφθέγματα
Τροίηθεν ἔσται· καὶ γένοιτό σοι καλῶς.

CLYTEMNESTRE.

O ma fille, un dieu t’a donc ravie? Quel nom te donner maintenant? Comment ne pas croire que ces discours m’abusent par de vaines consolations, pour m’arracher au deuil amer que me cause ta perte?

LE CHOEUR.

Voici le roi: il pourra te confirmer ce récit.

AGAMEMNON.

Femme, réjouissons-nous du sort de notre fille : elle habite réellement parmi les dieux. Prends donc ce tendre enfant de noble race et rentre au foyer. L’armée va mettre à la voile. Adieu. Nous ne nous reverrons plus qu’après bien longtemps, à mon retour de Troie : puisse-t-il nous être propice!

Une mère effondrée, un père certain d’avoir agi pour l’intérêt supérieur, voilà également comment se termine la scène dans Game of Thrones.

A propos Marjorie Lévêque

Professeur de langues anciennes dans l'Académie de Lille. Grande amatrice de bandes dessinées.
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