POSEIDONIA
: LA TOMBE DU PLONGEUR
par Jean-Claude Daumas, Historien – pour Latine Loquere
Découverte le 3 juin 1968 à Tempo
del Prete (1,5 km au sud de Paestum), elle occupe une salle du musée
de Paestum où elle a été restaurée en 1987.
Sa datation “ 480/470 avant J.-C. “
correspond à la fois au style de son décor peint et au lécythe
attique à vernis noir qui s´y trouvait.
C´est une tombe à 5 dalles (tombe
en coffre) : 1 de couverture, horizontale ; 4 verticales,
formant les 2 longs côtés et les 2 courts. [375]
Sa célébrité fut immédiate :
qualité de la peinture, présence du couple d´amants et surtout
mystère de la scène du plongeon.
DESCRIPTION DES PEINTURES
Il s´agit d´un symposion,
la seconde partie du banquet grec (1ère partie = repas
proprement dit) au cours de laquelle les convives – uniquement des
hommes, nus, étendus sur des lits (klimé), le coude gauche
appuyé sur un cousin, le torse sortant d´une couverture (?), une
couronne végétale sur la tête “ boivent du vin, jouent de la
musique, chantent, récitent des vers, discutent, flirtent, jouent au
cottabe. Le kottabos était un jeu d´adresse consistant à
jeter le peu de vin restant au fond de sa coupe dans un petit
récipient installé au centre de la pièce.
Parois longues : deux
scènes de symposion avec chaque fois 3 lits et 5 convives (1
+ 2 + 2).
Paroi Sud [377] :
le convive seul joue de la cithare [378]
; au centre le groupe de 2 devise [379]
; dans le dernier groupe, [380]
le convive de gauche joue de la double flûte ce qui
provoque l´extase (tête renversée) de son compagnon de droite.
Paroi Nord [386]
: le convive seul tend sa coupe à boire [387]
; dans le groupe du centre, [388]
le convive de gauche joue au cottabe alors que celui de droite
se retourne vers le dernier groupe, celui des amants [389]
qui ont délaissé leur cithare : l´adulte, à droite
(collier de barbe), cherche à attirer l´adolescent (éphèbe) dont
le geste du bras droit exprime peut-être un refus.
Parois courtes : une des
deux scènes au moins, est en relation avec le symposion.
Paroi Est [385] :
un jeune homme (serviteur/échanson) tenant à la main une cruche,
s´éloigne de la table où se trouve le cratère (grand vase pour
mélanger le vin avec l´eau) ; table et cratère sont décorés
de feuillages.
Paroi Ouest [376]
: une petite joueuse de flûte “ seul personnage féminin
des 5 panneaux peints “ précède un jeune homme suivi d´un
adulte (le seul homme habillé de tout l´ensemble) appuyé sur un
bâton torsadé = un convive arrivant ? partant ?
Dalle de couverture : ce
n´est plus du tout le thème du banquet grec, même s´il peut y
avoir un rapport entre les deux. [381]
Un jeune homme (duvet au menton) nu
plonge [382] depuis (au-delà d´ ?)
une « construction » (3 piles de blocs) vers une étendue
d´eau à surface courbe. Deux arbres stylisés encadrent la scène,
le tout étant entouré d´un large trait, formant un rectangle, qui
s´évase aux 4 angles en 2 volutes de part et d´autre d´une
gerbe de palmettes. [384]
INTERPRETATIONS
Autant dire que ces scènes ont donné
lieu à des explications parfois multiples et contradictoires. On se
contentera des suivantes.
La scène du plongeon :
accord sur son sens : elle symbolise le passage de la vie à la
mort. La structure bâtie (un pylône ?) indiquerait la limite
du monde habité/connu : elle correspondrait aux Colonnes
d´Hercule (actuel détroit de Gibraltar) au-delà desquelles
commence le fleuve Okéanos qui conduit au monde souterrain,
celui des morts.
Le banquet : utilisation
dans un sens funéraire de l´iconogrphie traditionnelle du
symposion telle qu´elle figure sur les vases attiques ;
le banquet est ici associé à la mort, sans doute en tant que rappel
des moments heureux de la vie terrestre. La scène de la paroi Ouest
peut être interprétée comme le passage de la vie à la mort :
le départ pour l´au-delà .
ELEMENTS DE SYNTHESE
Å’uvre de deux peintres (le meilleur
serait l´auteur du panneau des deux amants et de celui du
plongeur ?) qui connaissaient parfaitement la grande peinture
grecque contemporaine : volume des corps, mouvements (torsion
des torses), anatomie (musculature abdominale, œil de profil),
expression des sentiments (désir, curiosité, extase) ; au
total des personnages très vivants. La Tombe du Plongeur est donc
un excellent aperçu concret de la grande peinture grecque au tout
début de la période classique.
Une réalisation en deux temps :
dessin préparatoire par des traits incisés dans la dernière couche
d´enduit fin, puis aplats de couleurs qui, très
exceptionnellement, peuvent ne pas respecter le schéma initial :
la scène des deux amants a remplacé une banale conversation …
Une œuvre de synthèse ? Le
rituel funéraire grec ne prévoit que quelques objets
d´accompagnement (vases à parfum, instruments de musique) ;
peindre les parois est un rituel des cultures périphériques, comme
celle des Etrusques. Or Poseidonia est à la « frontière »
entre le monde grec (Grande Grèce) et le monde Etrusque
(Campanie).
Une œuvre isolée : le seul vrai
exemple de la peinture grecque (totalement disparue vu ses
supports : bois et stuc) ; pas de liens réels avec les
tombes peintes lucaniennes qui s´épanouiront un siècle plus tard
tout autour de Poseidonia/Paestum.