On a testé pour vous : D’un monde à l’autre, l’exposition sur Autun, au Musée d’Archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye

Du 17 février au 17 juin 2024, le Musée d’Archéologie nationale (MAN) de Saint-Germain-en-Laye présente une passionnante exposition dénommée Autun. D’un monde à l’autre. Celle-ci retrace sur près de mille ans, depuis sa fondation jusqu’au Moyen-Âge, les temps forts d’Augustodunum.

L’exposition présente en particulier les découvertes exceptionnelles issues des fouilles d’une nécropole des III^ème-V^ème siècles, proche de l’église paléochrétienne de Saint-Pierre L’Estrier, à côté d’Augustodunum. Les fouilles ont été réalisées en 2020 par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) et le service archéologique de la ville d’Autun.

Le clou de l’exposition est sans doute un vase diatrète exceptionnel tant par sa rareté que par son raffinement et portant l’inscription parfaitement lisible VIVAS FELICITER.

 

L’exposition débute par la présentation d’Augustodunum, étymologiquement la forteresse (dunum, issu du mot celte dun) d’Auguste. La cité joua un rôle majeur en Gaule à plusieurs égards. Elle fut fondée entre 16 et 13 avant JC par l’empereur Auguste pour remplacer Bibracte, la capitale des Éduens, puissant peuple gaulois occupant l’actuelle Bourgogne et qui était un allié de longue date de Rome. Ils étaient les seuls à être reconnus comme fratres consanguineique populi romani, à l’instar des mythiques Troyens. C’est d’ailleurs à leur appel que Jules César entreprit la première campagne de Gaule en 58 avant JC alors que les Helvètes menaçaient d’envahir le territoire des Éduens

 

Étendue de 200 hectares, dotée des monuments de prestige des grandes cités du monde romain et du rare privilège de s’équiper d’un rempart (de 6 km de long), Augustodunum se para du titre de soror et aemula Romae (sœur et émule de Rome). Elle fut également l’une des deux seules cités de Gaule, avec Burdigala (l’actuelle Bordeaux), à assurer un enseignement supérieur ce qui en fit un brillant foyer de culture gréco-romaine. Aux élèves de l’aristocratie gallo-romaine, ayant déjà suivi l’école primaire (rudiments de l’écriture et du calcul) puis l’école secondaire (la grammaire et la littérature), les Écoles méniennes enseignaient dès 21 après JC l’art oratoire, le droit, la littérature, la philosophie et la médecine. Leur existence est attestée par les Annales de l’historien romain Tacite.

 

 

 

En guise d’illustration de la culture gréco-romaine, l’exposition contient le panneau d’Épicure, extrait d’un tapis de mosaïque qui ornait la salle d’apparat d’une riche domus d’Augustodunum.

Le philosophe grec y est représenté assis sur un siège avec une citation emblématique de sa pensée marquée par un hédonisme raisonné :

Οὐκ ἔστιν ἡδέως ζῆν ἄνευ τοῦ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως οὐδὲ φρονίμως καὶ καλῶς καὶ δικαίως ἄνευ τοῦ ἡδέως.

Soit : Il n’est pas possible de vivre (ζῆν) avec plaisir sans vivre d’une façon prudente, bonne et juste, ni (οὐδὲ) de vivre d’une façon prudente, bonne et juste sans vivre avec plaisir.

 

Le vase diatrète découvert dans une sépulture à Saint-Pierre-L’Estrier, probablement destinée à un haut dignitaire religieux, est un chef d’œuvre de la verrerie antique. Ce bol fut moulé puis sculpté dans l’épaisseur de sa paroi pour former un décor en filet et faire apparaître l’inscription circulaire en relief VIVAS FELICITER (vis de manière heureuse), terminée par un séparateur en forme de V nervuré. Seule la lettre C n’a pu être reconstituée qu’en partie. Le bol contenait probablement un parfum liturgique composé notamment d’ambre gris, une substance extrêmement rare provenant des concrétions intestinales des cachalots.

    

 

Un peu d’étymologie grecque autour du qualificatif du vase…

διάτρητος, η, ον   (adjectif aux nominatifs singuliers masculin, féminin et neutre)	Perforé
τρητός, ή, όν   (adjectif aux nominatifs singuliers masculin, féminin et neutre)	Troué, percé Gravé, ciselé
τιτρά-ω   (verbe, à la 1ère personne du singulier de l’indicatif présent, à la voix active)	Je perce
ἡ τρῆσις, εως   (nom féminin au nominatif et au neutre singuliers)	L’action de trouer
τὸ τρῆμα, ατος   (nom neutre au nominatif et au neutre singuliers)	Le trou

 

Au III^ème siècle, époque d’invasions barbares, de graves troubles politiques et de récession économique et démographique, Augustodunum subit une transformation importante. En 269-270, la cité demeurée fidèle à Rome et qui s’était rebellée contre l’empereur autoproclamé des Gaules, est assiégée et pillée par des mercenaires bataves.

Rome continue de soutenir Augustodunum mais au IV^ème siècle la cité se rétracte et se fragmente, abandonnant ses quartiers extra muros et concentrant sa population dans son castrum, ou ville haute. Celle-ci, d’une superficie d’une dizaine d’hectares, abrite la cité épiscopale de l’un des premiers évêchés de Gaule. Les monuments antiques sont démantelés pour fournir des matériaux de construction.

 

 

Cet article s’est volontairement focalisé sur une petite partie des objets présentés car l’exposition est riche et mérite vraiment le déplacement, dans le cadre somptueux du château de Saint-Germain-en-Laye. Et ce d’autant que la visite peut avantageusement porter aussi sur les abondantes et remarquables collections permanentes du Musée d’Archéologie nationale. Enfin, avec l’arrivée du printemps, la terrasse du château peut aussi être le cadre idéal d’un pique-nique devant un panorama éclectique : la vallée de la Seine, le site résidentiel classé du Vésinet et l’univers minéral des tours de la Défense.

 

 

Laurent C. pour ATC

 

Pour aller plus loin :

1. communiqué de presse du MAN,
2. présentation par l’INRAP,
3. dossier enseignants du MAN,
4. page du Musée Rolin d’Autun consacrée à l’exposition,
5. vidéo du Musée Rolin sur le vase diatrète