On a testé pour vous : le nouveau manuel “Apprendre le latin par l’histoire grecque”

On a testé pour vous : le nouveau manuel “Apprendre le latin par l’histoire grecque, textes de l’Epitome historiae graecae

Un nouveau manuel d’apprentissage du latin a attiré notre attention : “Apprendre le latin par l’histoire grecque : Textes de l’Epitome historiae graecae, d’Estelle Debouy & Isabelle Warin, paru chez Ophrys, le 13 juin dernier.

Estelle Debouy et Isabelle Warin avaient déjà coécrit, dans la collection Les Signets aux Belles Lettres, ARMA L’Antiquité en guerre. Cette nouvelle collaboration met en lumière les compétences historiques d’Isabelle Warin et linguistiques d’Estelle Debouy pour un ensemble qui fonctionne puisque chacune a sa partie. Nous étudierons en détail les rubriques proposées dans ce manuel.

“Apprendre le latin par l’histoire grecque” se veut destiné aux scolaires dès le secondaire ; c’est pourquoi nous nous attacherons à décortiquer l’aspect pédagogique de la démarche, nous vous ferons découvrir les choix qui ont été faits, ainsi que leurs motivations.

 

Un livre pour débutants ?

Le texte original de l’Epitome historiae graecae est adapté : les extraits du début du manuel sont plus courts et simplifiés.

La présentation des bases est dense : on imagine que le manuel soit pris en main dès la 5ème à condition que la langue n’effraie pas d’emblée des élèves. Au professeur d’accompagner ce passage, cette découverte d’une langue flexionnelle. Associer le “complément d’attribution” au datif, par exemple, sera mieux accueilli par les lycéens ou les post-bac.

C’est un parti-pris : les élèves ou les étudiants doivent selon les auteures posséder un minimum de données sur la langue, nouvelle, qu’ils s’apprêtent à apprendre, notamment le principe des déclinaisons et des cas, l’ordre des mots qui est spécifique en latin, et le système verbal. Une fois le système linguistique posé, la découverte de la langue dans le texte peut commencer.

 

La méthode de traduction est mise en évidence. C’est un des buts de la leçon. Des outils et des méthodes sont glissés dans l’ouvrage. Pour traduire “pas à pas”, comme est intitulée la rubrique, certains mots du texte d’étude sont appareillés à l’aide d’un code couleur :

  • en rouge des mots dont la traduction est donnée,
  • en jaune, leur traduction, et des dérivés de ce mot dans la langue française.

Non, ce n’est pas un apprentissage du vocabulaire à la Orberg, je m’explique : les mots utilisés dans les textes de l’Epitome ne font pas l’objet d’un apprentissage progressif, et le vocabulaire accumulé ne permet pas de lire les textes dans leur intégralité. Il faut utiliser le dictionnaire

 

Les exercices de langues sont systématiques et s’appuient sur le texte d’étude et la leçon qui précède, comme une mise en pratique de la leçon. Régulièrement on trouve un exercice de révision, mais globalement les exercices de langue sont peu nombreux, et peu variés car ils se concentrent surtout sur le repérage de formes vues dans la leçon et sur leur analyse.

 

On aime : les trois Quiz qui mélangent les questions de langue et de civilisation et qui permettent un feedback rapide.

 

 

Une méthode de A à Z ?

La liberté pédagogique sera donnée de suivre tous les documents de A à Z comme la méthode l’a été pensée, mais les auteures insistent sur le fait que l’on peut prendre un chapitre indépendamment des autres. Un seul bémol : les difficultés en langue vont croissant, donc isoler un chapitre plus loin dans la manuel demandera sûrement des adaptations. 

Le sommaire des thèmes est simple et clair et reprend les intitulés et le code couleur de la frise, mais il manque vraiment un sommaire de langue pour pouvoir voir en un coup d’œil la progression de langue et les notions abordées dans chaque leçon : cela dit, on pourra le retrouver dans le livre du maître.

On aime : les six pages de tableaux à la fin qui sont très synthétiques et qui fonctionnent comme un sous-main de langue.

 

 

Un sérieux bagage historique sourcé

Ce sont des textes authentiques qui constituent les documents complémentaires à chaque extrait de l’Epistome et ils sont variés : nous rencontrons des historiens, des philosophes, des poètes comiques, des dramaturges… Un clin d’œil est fait aux professeurs d’ECLA (Enseignement conjoint des Langues anciennes) puisque les références précises permettent de trouver le texte, la plupart du temps en grec ancien, qui serait le pendant à l’extrait de l’Epistome étudié. Les textes en langue ancienne sont en train d’être ajoutés dans le livre du maître.

 

À chaque leçon, les documents iconographiques sont en nombre, soit pour illustrer le texte, soit pour être étudiés pour eux-mêmes. Les sources archéologiques sont mises à l’honneur (amphores, coupes, mosaïques, sarcophages, stèles, fresques, monnaie, statues…), mais aussi des représentations plus contemporaines, des références en Histoire des arts qui peuvent faire l’objet d’une étude plus approfondie, comme le suggèrent les auteures.

A priori, pas besoin d’aller ailleurs chercher des références et des supports pour construire sa séquence : c’est ainsi que le manuel a été pensé, pour alléger la charge de travail du professeur, les données sont dans le manuel en assez grand nombre. 

 

On aime : une frise chronologique qui construit le manuel et qui inaugure chaque leçon. On y voit une vraie intention de placer des repères historiques au-delà des thèmes abordés. C’est souvent l’écueil des études thématiques. C’est donc ici un outil pédagogique qu’on peut exploiter. Les étudiants se repèrent grâce au code-couleur ci-dessous. Chaque leçon a sa couleur :

Un manuel pour faire du petit latin ?

Les auteures auraient pu reprendre le De Viris illustribus, texte de référence parmi les textes construits _ un retour aux textes fabriqués qui s’impose (on le voit dans le foisonnement de la collection des Petits Latins). Mais le choix a été porté sur l’Histoire grecque.

 

Plusieurs raisons au choix de l’Epitome historiae graecae :

  • un texte qui a fait ses preuves (il a traversé deux siècles) et qui a été écrit pour l’apprentissage du latin,
  • une volonté de raconter l’Histoire grecque (les origines légendaires, l’hégémonie d’Athènes, puis de Sparte et de la Macédoine).

 

Oui, une page est consacrée à une lecture de l’Epistome en version non adaptée accompagnée de sa traduction, donc nous sommes invités à faire du “petit latin”. Cet extrait se distingue du texte d’étude qui est une version réécrite, en tout cas jusqu’au chapitre 12. A partir du chapitre 13, le texte d’origine est étudié tel quel.

Une vivacité culturelle revendiquée

C’est annoncé en avant-propos et illustré dans l’ouvrage : la vivacité des langues et cultures de l’Antiquité est un fait. L’Antiquité est partout dans notre quotidien, dans notre patrimoine et dans notre langue. La volonté est de rappeler à la mémoire de tout un chacun l’importance de l’Antiquité gréco-latine. Donc, dans ce manuel, l’accent est mis : 

  • sur un choix de textes qui fait la part belle aux grandes figures historiques, littéraires et imaginaires (Socrate, Alexandre), et aux batailles célèbres ;
  • sur des aspects du patrimoine culturel qui ont été intégrés dans notre quotidien (par exemple, les proverbes qui agrémentent notre langage), mais qui ont aussi une résonance moderne (par exemple, en période de préparation aux jeux olympiques, le contexte de Marathon mérite d’être éclairci).

Comprendre notre héritage lui donnera une épaisseur, c’est le pari des auteures de cet ouvrage.

 

 

On aime : la rubrique “du latin au français” où les mots latin du texte d’étude prennent un éclairage grâce aux dérivés français, les mots sont mis en réseau, ce qui apporte une épaisseur à ce qui ne sera pas qu’un simple glossaire, et ce qui permet sans aucun doute de mieux retenir le vocabulaire.

 

 

 

Un livre du maître, pour quoi faire ?

Le livre du maître est en téléchargement, c’est un complément très court mais utile qui vise essentiellement deux objectifs : 

  • aborder une autre présentation des textes d’étude en traduction juxtalinéaire, 
  • offrir des pistes de réponse aux activités de prolongement et de recherche qui accompagnent chaque leçon, parfois des liens externes vers des sites comme Eduscol et une sélection d’articles. 

Cet enrichissement est suffisant puisque le manuel est en lui-même très riche, la multiplication et la variété des documents complémentaires à chaque extrait de l’Epistome est indéniable. 

On aime : à la fin du manuel, nous trouvons les corrigés de tous les exercices de langue et de culture antique. L’élève ou l’étudiant autodidacte y voit le moyen d’un feed-back simple et rapide.

 

Et le programme dans tout ça ?

J’ai cherché à savoir comment l’Epitome historiae graecae se raccrochait aux programmes du secondaire puisque c’est le public visé.

Non, toutes les entrées du programme ne sont pas concernées, elles sont même à la marge puisque l’essentiel des programmes de LCA latin vise à connaître les Romains, mais on peut tout de même trouver les ancrages que je vais vous lister.

Au collège, dans le thème “DE LA LÉGENDE À L’HISTOIRE”, il est possible de traiter la fondation d’Athènes. Dans le thème “VIE PRIVÉE ET VIE PUBLIQUE”, la religion romaine est inspirée des figures grecques de divinités. Dans “VIE FAMILIALE, SOCIALE ET INTELLECTUELLE”, la notion de  citoyens/non citoyens, les assemblées, délibérations et votes dans le monde antique. Mais c’est surtout dans “LE MONDE MÉDITERRANÉE ANTIQUE” que l’on va justifier la légitimité du manuel par rapport aux programmes officiels : alliances et conflits entre cités dans le monde antique, puissances terrestres et puissances maritimes, pratiques de l’argumentation dans la Grèce antique, transmission culturelle, de la Grèce à Rome ; de l’Antiquité au Moyen Âge et à la Renaissance.

Au lycée, le thème “MÉDITERRANÉE” traverse le cycle avec différentes entrées : voyager, explorer, découvrir ; conflits, influences et échanges ; présence des mondes antiques. De plus, les chapitres sur la question de l’Homme, les leçons de sagesse antique, trouveront un écho dans ce manuel.

 

En bref

 ➡ Un fil rouge, la vivacité culturelle. 

 ➡ Un apprentissage de la langue (trop ?) ambitieux.

 ➡ Tout en un, un manuel pour tout un cycle voire plusieurs.

 ➡ Un travail d’édition cohérent et clair.

 ➡ Des exercices de langue à ajouter.

 ➡ Une approche à la marge des programmes.

 

Pour aller plus loin : 

  • L’éditeur Ophrys propose de feuilleter quelques passages du manuel “Apprendre le latin par l’histoire grecque” : 

https://ubstream.com/sophiacom/media/e431fcfc-8ee6-4638-85d9-ec32d619e8fc#v=Version1&l=fr

  • Le site Arrête ton char ! propose une banque de traductions juxtalinéaires dont l’Epitome historiae graecae :

https://www.arretetonchar.fr/wp-content/uploads/2013/IMG/archives/langue/juxtalineaires/latin/ephistgr.pdf

Julie Wojciechowski

 

 

Les images extraites du manuel pour illustrer cet article le sont avec l’autorisation de l’équipe de communication de l’éditeur Ophrys. Pour toute question, vous trouverez un interlocuteur en envoyant un courriel à info@ophrys.fr.

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes et attachée à leur rayonnement et à leur promotion dès l'école primaire. Co-responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

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