Maxime Cambreling est un professeur de lettres classiques passé par l’école du Louvre, le musée du Louvre et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) avant d’enseigner au collège Camus de Bayonne. Il est en outre mon référent numismatique !
Après les premiers épisodes de cet été 2024, je vous propose de continuer à mettre en lumière cet automne les publications qu’il a partagées avec nous sur les réseaux dans cette chronique baptisée NUMISmythique. De quoi s’agit-il ? De numismatique, l’étude des pièces de monnaies, et des mythes, ces histoires passionnantes qui fondent la culture antique.
Je vous souhaite de belles découvertes lors de ce rendez-vous du dimanche !
Julie Wojciechowski
Une histoire de songe…
Une monnaie de L. Aemilius Buca, frappée en -44 (n°RRC 480/1 – Roman Republican Coinage) dont le revers figure le “rêve de Sylla“, résonne avec un extrait de Plutarque.
Le monétaire, descendant du dictateur, rapporte un événement où les dieux ont parlé au leader. L’épisode est rapporté par Plutarque (Syll, IX).
La nuit suivante, il crut, dit-on, voir en songe une déesse que les Romains adorent, et dont les Cappadociens leur ont enseigné le culte, soit la Lune, soit Minerve, ou Bellone, qui, placée au-dessus de sa tête, lui mettait la foudre en main, et lui ordonnait de la lancer sur ses ennemis, qu’elle lui nommait les uns après les autres. Tous ceux qui en étaient frappés tombaient et disparaissaient à l’instant. Encouragé par cette vision, qu’il raconta le lendemain à son collègue, il marcha vers Rome.
Le denier figure Sylla allongé endormi, à droite, Luna et derrière Victoria les ailes ouvertes, tenant un bâton (en guise de foudre).
J’ai cherché si des monnaies romaines ont représenté Thiton ou Endymion, les humains devenus immortels, mais avec une clause mal lue dans le contrat.
Il s’avère qu’un contorniate (fin IVè donc) figure bien (avec Trajan à l’avers) une Séléné descendant vers Endymion endormi.
Endymion fut un jeune mortel aimé par Séléné (la Lune) qui demanda à son père pour lui la vie éternelle. Malheureusement, elle n’avait pas demandé qu’il ne dormît pas. Il vécut donc éternellement, mais dans son sommeil.
Cette histoire fut souvent représentée à partir du IIè siècle, en particulier sur des sarcophages, comme ceux de St Médard d’Eyrans (aujourd’hui au Louvre) car ils montrent comment un mortel choisi par une divinité peut atteindre l’immortalité.
L’image du médaillon de bronze reprend les modèles habituels du genre (le bras du dormeur derrière la tête, ici devenu un drapé volant, la divinité descendant de son char…) et évoque aussi fortement le denier du songe de Sylla que j’ai posté il y a peu (cf. NumisMythique # 15). Ils puisent sans doute dans les mêmes modèles plastiques.
La différence ? Ici, Eros remplace Niké. On est face à une histoire d’amour, pas une histoire de victoire.
Et si c’était l’amour qui nous ouvrait les portes de l’éternité ?
Maxime Cambreling
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Article mis en page par Laurent Caillot