NUMISmythique #épisode 10 : une histoire de volcanisme

Maxime Cambreling est un professeur de lettres classiques passé par l’école du Louvre, le musée du Louvre et le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) avant d’enseigner au collège Camus de Bayonne. Il est en outre mon référent numismatique !

Après les premiers épisodes de cet été 2024, je vous propose de continuer à mettre en lumière cet automne les publications qu’il a partagées avec nous sur les réseaux dans cette chronique baptisée NUMISmythique. De quoi s’agit-il ? De numismatique, l’étude des pièces de monnaies, et des mythes, ces histoires passionnantes qui fondent la culture antique.

Je vous souhaite de belles découvertes lors de ce rendez-vous du dimanche !

Julie Wojciechowski

Une histoire de volcanisme…

Il existe un poème latin, L’Etna, qui est particulièrement mystérieux. On ne le connaît que par quelques manuscrits très fautifs et lacunaires, et son auteur est inconnu. Il revient sur les mythes et les explications scientifiques du volcanisme, en particulier pour l’Etna.

Pour Jules Vessereau, qui en a établi le texte et fourni une traduction aux C.U.F en 1923, il ne peut avoir été écrit que par un auteur qui a pu voir le volcan en éruption. Et en particulier celles de -50, -44, -48 et -32. Et il évoque la possibilité que cet auteur soit Virgile, encore jeune et inconnu, entre 50 et 44.

 

Une légende merveilleuse se rattache pourtant (760) à la montagne, qui, si coupable (761) soit-elle, n’en est pas moins fameuse par la piété de ses feux (762). Jadis en effet, rompant ses cavernes, l’Etna s’embrasa et, comme si ses fournaises se déversaient de fond en comble, un énorme flot de laves dévorantes s’en échappa sur une longue étendue : de même que quand l’éther fulgure sous l’action terrible de Jupiter et fait tourbillonner dans le ciel brillant une sombre nuée. On voyait brûler dans la campagne les récoltes, les champs couverts d’ondulantes moissons, les maîtres des champs aussi ; les forêts, les collines flambaient. L’ennemi (763) semblait à peine avoir quitté son camp ; on tremblait, et déjà il avait franchi les portes de la ville voisine.

Alors chacun, selon son courage et ses forces, court au sauvetage, essaie de mettre ses biens en sûreté : l’un gémit sous l’or, l’autre ramasse ses armes et les place sur sa nuque stupide (764) ; celui-là défaille sous la charge de ses poèmes qui le retardent ; celui-ci file rapidement sous un tout petit fardeau : il est pauvre ; bref, chacun s’enfuit emportant ce qu’il a de plus cher. Mais en vain : le butin ne suit pas son maître ; le feu dévore ceux qui s’attardent, brûle de toute part ces avares, les atteint quand ils croient qu’ils lui ont échappé, eux et leurs biens précieux, les entoure en crépitant ; ils alimentent un incendie qui n’épargnera personne ou qui n’épargnera que ceux qui connaissent la piété. En effet deux excellents fils, Amphinome et son frère (765), affrontant bravement le même devoir, au moment où dans les maisons voisines crépitait l’incendie, aperçoivent leur père et leur mère impotents que la vieillesse, hélas ! arrêtait épuisés sur le seuil de leur porte. – Cessez, troupe avare, cessez d’enlever vos riches butins ! – Leurs seules richesses, à eux, sont leur père et leur mère; voilà le butin qu’ils enlèveront ; ils se hâtent de le dégager de l’incendie, qui lui-même leur assure le salut (766). O piété, la plus grande des vertus et la plus sûre à bon droit pour l’homme (767) ! Les flammes ont rougi (768) d’atteindre ces pieux jeunes gens, et, partout où ils portent leurs pas, elles reculent. L’heureux jour (769) l’heureuse terre innocente ! Le terrible incendie tient leur droite et leur gauche ; les deux frères triomphants emportent leurs parents à travers les feux obliques ; chacun d’eux est à l’abri sous son pieux fardeau ; le feu avide tempère autour d’eux sa fureur ; ils en sortent enfin, sains et saufs, emportant avec eux leurs dieux (770) qu’ils ont sauvés. Saints jeunes gens que célèbrent les chants des poètes (771), à qui Dis (772) a réservé une place à part sous un nom illustre, et que les destins sordides n’atteignent pas ; ils ont eu en partage une demeure paisible et les droits conférés aux hommes pieux.

 

Le poème se termine par un récit de la piété des frères de Catane, ici nommé “Amphinomus et son frère”. Le motif littéraire est bien connu, rapporté par Sénèque, Pausanias, Valère Maxime… Mais il serait ici le premier.

Il est en tout cas bien connu des numismatistes de la République, car on le voit sur un denier de la gens Herennia.

Mais celui-ci, daté de 108-107 avnè, on est trop loin. Et j’ai toujours trouvé un peu étrange qu’on ne représente qu’un seul des frères et des parents.

En revanche, il existe un autre moment où la référence est utilisée. C’est Sextus Pompée, qui frappe des deniers datés de -42 / -40. Et ici, les deux frères et les deux parents sont figurés. On attribue ce choix iconographique au fait que Sextus Pompée frappe en Sicile (et peut-être même Catane) et qu’il se présente comme pieux envers son père.

Mais la concordance des dates est frappante : une éruption en -44, un poème difficilement datable qui paraîtrait après une éruption et des deniers de -42 / -40.

Et si l’éruption, les monnaies et le poème étaient contemporains ? Il faudrait que les philologues croisent les regards.

Maxime Cambreling

 

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A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes et attachée à leur rayonnement et à leur promotion dès l'école primaire. Co-responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

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