Arrête Ton Char ! a décidé de donner la parole à des personnalités du monde de la culture, des médias, de l’entreprise et de la politique qui souhaitent témoigner de l’importance des Langues et Cultures de l’Antiquité au XXIème siècle.
Texte proposé par Nicolas Ragonneau
Au début des années 90, j’ai croisé Charlton Heston dans les toilettes d’un club de jazz à Montparnasse. A l’époque, il était moins lourdement armé qu’aujourd’hui. Ce n’est pas donné à tout le monde de rencontrer Ben-Hur dans des vespasiennes.
Je suis un latiniste tardif et médiocre. J’ai dû attendre l’Université pour prendre ma première leçon de latin et je regrette sincèrement de ne pas avoir commencé plus tôt : je n’imaginais pas que cela me plairait autant. On ne devrait jamais écouter ceux qui n’ont que de l’aversion pour le thème et qui vous disent à quel point le grec ou le latin sont ennuyeux.
A la fac, je suivais aussi des cours de religion romaine, une sacrée révélation.
Avec le latin je faisais pour la première fois l’expérience d’une langue flexionnelle à la syntaxe déroutante que je devais déchiffrer à pas comptés, et trébuchant sans cesse. Je n’ai jamais eu l’impression de traduire du latin. On ne traduit pas du latin. On le décortique plutôt comme une noix. On le déconstruit pour mieux le reconstituer. Il s’agit davantage d’une langue étrange que d’une langue étrangère.
Avec la religion romaine aussi c’est tout un monde inconnu et lointain qui défilait devant moi, souvent aux antipodes de l’imagerie des péplums hollywoodiens – pourtant spectaculaire et cinématographique.
Les langues et les cultures de l’Antiquité forment un atout indéniable pour comprendre des problèmes très contemporains et complexes (par exemple la situation au Moyen-Orient), ou répondre à des questions simple de notre vie quotidienne (pourquoi septembre est le neuvième mois de l’année, que veut dire bissextile, d’où vient le mot fax, etc.). Si on voit le monde comme un ensemble de signes de plus en plus inintelligibles, il est certain que le latin et le grec vous aident à mieux le décoder.
Les langues et les cultures de l’Antiquité vous permettent de mieux comprendre la Nature humaine (et sa permanence souvent désespérante, il faut bien l’avouer). Nihil novi sub sole (rien de nouveau sous le soleil) ? Assurément.
L’Antiquité a pour moi le comique absurde de la mort d’Eschyle, tué par une tortue lâchée par un rapace (quelle est la probabilité de mourir ainsi ? sans doute la plus proche de zéro). L’hermétisme hypnotique des Présocratiques. Le tranchant parfait d’un texte de Tacite.
L’Antiquité a pour moi la beauté mystérieuse des visages des portraits du Fayoum, dont les yeux vous fixent éternellement du fond des âges.
Il serait dommage d’en détourner notre regard.
Nicolas Ragonneau, directeur du marketing aux éditions Assimil.
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