Nous avons besoin des Langues & Cultures de l’Antiquité : Anthony Bulger

Arrête Ton Char ! a décidé de donner la parole à des personnalités du monde de la culture, des médias, de l’entreprise et de la politique qui souhaitent témoigner de l’importance des Langues et Cultures de l’Antiquité au XXIème siècle.

Texte proposé par Anthony Bulger

anthony-bulger-116361-250-400Mon initiation aux plaisirs du latin fut longue et ardue. Elevé Catholique en Angleterre, je pensais que l’on parlait le latin comme une sorte de langage secret entre les membres d’une secte minoritaire mal acceptée. Mais déjà, le Suscipiat me séduisait avec sa musique suave mais tordue (ad utilitatem quoque nostram, totiusque ecclesiae suae sanctae – super !). Adolescent, faute de bons professeurs, je compatissais avec Winston Churchill qui, obligé d’apprendre les déclinaisons de mensa par cœur, et notamment le vocatif, se demandait quel homme sain d’esprit s’adresserait à sa table !

Ensuite, la rébellion adolescente me poussait à déclamer plutôt les vers du grand poète Iohannes Lennonus, des Coléoptères : Amo amat amass / Amonk, amink, a minibus / Amarmylaidie Moon. Mais enfin, par une matinée grise et pluvieuse comme on les faisait si bien en Angleterre dans les années ’60 (ou les sixties, comme on dit maintenant, et bêtement, en français), je tombais par hasard – et avec volupté – sur la poésie de Catulle : Vivamus, mea Lesbia, atque amemus, rumoresque senum severiorum omnes unius aestimemus assis. Et surtout la magnifique traduction de Frank O. Copley, qui transportait ce poète du Ier siècle jusque dans ma salle de classe, sous ce fichu ciel gris anglais (I said to her, darling, I said let’s LIVE and let’s LOVE and what do we care what those old purveyors of joylessness say ? (they can go to hell, all of them)). Way to go, Gaius Valerius !

Fort de cette prise de conscience qu’on pouvait “écouter” des auteurs comme Virgile, Sénèque, Horace et cætera avec une oreille contemporaine, j’embarquai sur un voyage intrépide de découverte. Et c’est peut-être ce moment paulinien qui inspira ma vocation de traducteur.

Mais je dois ramener les choses à leur juste proportion : j’ai commencé à apprendre le latin tardivement et avec une série de professeurs dont la vocation lassait à désirer dans un système éducatif qui considérait déjà le latin comme un passe-temps futile pour une élite intellectuelle (dont je ne faisais pas partie !). Mes compétences en latin sont donc à peu près à la hauteur de mes compétences en musique : grand amateur, piètre pianiste. Ainsi, le plaisir que je tire encore de la lecture mes auteurs préférés, ou tout simplement d’une belle phrase bien ciselée et élégante, doivent me suffire. Mais je me mets à imaginer ce que j’aurais pu accomplir si j’avais été pris en main par des enseignants passionnés à un moment où, comme le disait si bien mon bon vieux Catulle, “Iam mens praetrepidans avet vagari, iam laeti studio pedes vigescunt“.

Anthony Bulger, traducteur et auteur

A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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