Mon odyssée vers le grec ancien avec Ἕρμαιον
4 / Ἕρμαιον τὸ βιβλίον ἐπέρανα, τῆς διδασκάλης ἐμοῦ πάνυ δή μοι ὠφελησάσης
(J’ai terminé le manuel Ἕρμαιον car ma professeure m’a beaucoup aidé – la seconde proposition étant au génitif absolu)
Nous étions donc arrivés ensemble au terme de l’étape 28, consacrée à l’étude de l’impératif et très éclectique dans les textes originaux à traduire : un extrait de l’Évangile selon Saint-Luc prônant la non-violence, des maximes de Ménandre, la notice d’explication d’une turbine à vapeur par Héron d’Alexandrie et Zeus commandant aux quatre vents et mis en scène par Lucien.
Le 3ème degré d’apprentissage du grec ancien avec Connaissance hellénique comporte deux parties, que l’on va présenter plus tard, et s’appuie 4 ressources :
- Notre manuel Ἕρμαιον – Initiation au grec ancien, désormais familier ;
- la Grammaire grecque d’Éloi Ragon dans sa dernière édition (2007) refondue par Dain, Foucault et Poulain, toujours publiée aux Éditions Nathan De Gigord ;
- le fascicule d’Explorations syntaxiques fourni par Connaissance hellénique. Ce volume, de conception originale, contient de nombreux extraits des Thèmes grecs sur la syntaxe (Livre du maître), ouvrage paru en 1940 aux Éditions De Gigord (et aujourd’hui épuisé). Il permet de faire du « petit grec » à l’aide de ces textes disposés en juxtalinéaire, en comparant l’énoncé français avec sa traduction reconstituée en grec ;
- le Guide de l’autodidacte du 3ème degré, également procuré par Connaissance hellénique. Ce support comporte un plan d’étude et une ou deux versions à réaliser à la fin de chaque étape d’Ἕρμαιον et des Explorations syntaxiques.
L’objectif de ce 3ème degré de grec ancien est de parcourir, par tranches, la Grammaire grecque d’Éloi Ragon, maintenant que l’on est suffisamment familier de la langue.
Deux parties, disais-je, puisqu’aux 7 dernières étapes (29 à 35) d’Ἕρμαιον, vont se succéder 7 étapes d’explorations syntaxiques. Je limiterai mon retour d’expérience à la première partie, à laquelle je suis parvenu, puisque la seconde constitue mon objectif de progrès pour les prochains mois.
Au menu des étapes 29 à 35 :
- les aoristes à voyelle longue, par exemple ἔφυν (je suis né), formé à partir de φύω (je fais naître, je produis) – en lien avec ἡ φύσις, qui désigne ce qui pousse ou croît et par conséquent la nature ;
- les propositions construites à partir de verbes de déclaration, d’opinion et de perception, ce qui se rencontre fréquemment ;
- les verbes en -μι et leurs nombreux préverbés : δείκνυμι (je montre), δίδωμι (je donne), τίθημι (je pose / je mets), ἵημι (je fais aller/lancer) et ἵστημι (je mets debout) ;
- le pronom réfléchi indirect et le style indirect ;
- le duel et les numéraux, qui ferment donc la marche.
L’apprentissage se densifie car les verbes en -μι demandent beaucoup d’attention et les textes originaux à traduire deviennent plus consistants. Mais que l’on se rassure : Ἕρμαιον accompagne toujours efficacement l’élève grâce aux tableaux et explications de conjugaison en fin d’ouvrage et bien sûr aussi par les nombreuses traductions où l’on met en pratique les notions apprises.
À l’étape 31, Jean-Victor Verhnes illustre astucieusement le verbe δείκνυμι par un extrait du dialogue de Platon intitulé Euthyphron, où Socrate demande à cet ami de lui expliquer en quoi un fils serait fondé à attaquer en justice son père pour meurtre. Euthyphron n’est guère à l’aise, c’est le moins que l’on puisse dire, pour mettre en lumière (ἐν-δείκνυναι) et exposer (ἐπι-δεῖξαι) ses justifications – on utilise deux verbes dérivés de δείκνυμι, l’un au présent et l’autre à l’aoriste (ici, à l’infinitif). « Mais ce n’est pas un travail facile, car autrement je saurais très clairement te l’exposer », confesse t-il un peu penaud à Socrate. D’où ce commentaire que j’ai adressé à ma correctrice, avec un participe parfait moyen-passif tiré de ἐν-νοέω (j’ai dans l’esprit) :
” Ὁ μῦθος δηλοῖ ὅτι τὰ σαφῶς ἐννενοημένα ῥᾳδίως λέγεται “
L’histoire montre que ce qui se conçoit bien s’énonce clairement
Maintenant, comment ai-je procédé pour chaque étape du manuel ? Je me suis tout bonnement inspiré du mode d’emploi recommandé par Jean-Victor Vernhes à la page 15 d’Ἕρμαιον :
- j’ai étudié la grammaire et le vocabulaire de l’étape, y compris les notes étymologiques et sémantiques, qui sont passionnantes ; certaines étapes demandent de réviser des points vus antérieurement pour les consolider. Aux étapes 29 à 35, il s’agit également d’étudier des chapitres de la Grammaire grecque d’Éloi Ragon ;
- je me suis attelé aux exercices (versions et, plus rarement, thèmes), à la traduction des textes originaux, dans l’ordre indiqué – en fonction des explications grammaticales et de la terminologie. J’avais pris l’habitude d’indiquer la personne (ou le cas, pour les participes), le nombre, le temps, le mode, la voix et le verbe des formes verbales (non évidentes) ; à partir de l’étape 33, j’ai structuré mon cahier en deux colonnes, la traduction à gauche et le référencement de ces formes verbales à droite ;
- j’ai revu l’ensemble de l’étape, avant de photocopier les pages de mon cahier pour les adresser à ma correctrice ;
- j’ai parfois élaboré des fiches pour m’efforcer de clarifier certains points plus délicats, en les faisant relire par un(e) spécialiste.
Parallèlement, j’ai continué d’augmenter et de structurer le lexique de tous les mots grecs introduits par Ἕρμαιον, que j’avais entrepris de confectionner. À chaque nouvelle étape du manuel, je commençais par ajouter à mon lexique les mots nouveaux et les sens nouveaux de mots déjà enregistrés, avant même d’étudier la leçon de grammaire.
Lexique exhaustif, à tous les sens du terme parce que cette tâche, dont je n’avais pas soupçonné l’ampleur, m’a un tantinet épuisé (me laissant exhaustus)… Certes, ce n’est ni un dictionnaire (où les sens des mots seraient vérifiés et inventoriés), ni un vocabulaire fréquentiel (fondé sur une analyse statistique des occurrences dans un vaste corpus de textes) : c’est seulement un compagnon d’odyssée, une trousse de pharmacie de premier recours. Il sert de gouvernail à maintes occasions au pilote (ὁ κυϐερνήτης) que je suis pour gagner en assurance.
Toutefois, par rapport au lexique-index grec-français fourni par Ἕρμαιον, le mien suppose de savoir identifier la catégorie et le lemme du mot, en particulier du verbe, pour éviter de multiplier les entrées relatives à un même verbe. On n’échappe pas à l’apprentissage des temps primitifs de la trentaine de verbes irréguliers les plus courants, à partir desquels sont formés de nombreux verbes composés ou à préverbes, dits « préverbés » ! Une trentaine, si je me réfère aux 29 verbes irréguliers de la liste fournie page 238, à l’étape 26 d’Ἕρμαιον, lors de l’étude des parfaits irréguliers ; il faudra leur ajouter les 5 types de verbes athématiques ou en -μι, étudiés aux étapes 31 à 33, sans oublier le verbe être (εἰμι). Bon, c’est le tarif, comme dans toute langue ! La bonne nouvelle, pour se consoler, c’est qu’une fois qu’on les connaît, on les rencontre souvent sur sa route…
Pour autant, quand je prétends que c’est un lexique dédié à Ἕρμαιον, ce n’est pas tout à fait vrai. J’ai un peu triché, en y incorporant des informations extérieures à Ἕρμαιον pour en faire un ersatz de dictionnaire portatif :
- tous les verbes irréguliers de la langue attique répertoriés à la fin de la Grammaire grecque d’Éloi Ragon, en reproduisant leurs temps primitifs ;
- les mots introduits dans les chapitres I à V de cette grammaire, puisque le parcours des étapes 29 à 35 d’Ἕρμαιον supposait de les étudier ;
- les 603 mots du Vocabulaire fréquentiel établi par Thomas Frétard et publié par Arrête ton char ;
- les homonymes signalés en appendice du Dictionnaire Grec-Français de Christophe Georgin paru chez Hatier ;
- la fiche sur les prépositions mise en ligne par Michèle Tillard sur son portail Philo-lettres.
Je remercie vivement à cette occasion les professeurs qui, en diffusant ces outils précieux de connaissance, aident les autodidactes à se construire leur parcours d’apprentissage par différents emprunts – « Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants » (Bernard de Chartres).
Stabilisé au printemps 2024, le lexique contient près de 3 500 entrées, dont :
- plus d’un millier de verbes, dont une majorité d’irréguliers (certains préverbés), différenciés par un code couleur – ce qui donne la mesure de la part des verbes irréguliers, indépendamment de leur fréquence d’usage… ;
- plus d’un millier de noms communs, en indiquant leur déclinaison respective ainsi que certaines particularités (exemple : les féminins de la seconde déclinaison) ;
- près d’un demi-millier d’adjectifs communs, en indiquant leur classe respective ainsi que le caractère épicène de certains (mêmes flexions au masculin, au féminin et/ou au neutre) ;
- des noms et adjectifs propres et des déterminants et pronoms(-adjectifs), ici aussi en les distinguant selon les déclinaisons de noms et classes d’adjectifs ;
- près d’un demi-millier d’adverbes, de prépositions, de conjonctions et d’interjections ainsi que de mots numéraux. Le lexique fait la part des choses entre ces catégories de mots, ce qui m’a occasionné beaucoup d’efforts grammaticaux.
Voici ce document, que j’ai publié sur le portail d’Arrête ton char : pour le mettre à la libre disposition de toute personne intéressée :
Lexique Ἕρμαιον étapes 1-35 (25 avril 2024) format Word VF
Lexique Ἕρμαιον étapes 1-35 (25 avril 2024) format PDF VF
Le dernier texte original à traduire à l’étape 35 conclut magnifiquement le parcours proposé par Connaissance hellénique à l’aide d’Ἕρμαιον. Dans le Phédon de Platon, Socrate se compare à un cygne alors qu’il est sur le point, selon ses termes, de se délivrer de la vie (τοῦ βίου ἀπαλλάττεσθαι) puisqu’il a été convaincu d’impiété et condamné à boire la ciguë. Mais ce n’est qu’un au revoir pour l’élève, qui est alors invité à basculer vers les Explorations syntaxiques et à poursuivre l’étude de la Grammaire grecque d’Éloi Ragon.
Je vous donne rendez-vous vendredi prochain pour le cinquième et dernier article de la série, dans lequel je mettrai cet apprentissage en perspective et je donnerai des indications sur la quantité de travail mobilisée.
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