Quelques réflexions de Vincent Bruni concernant la question du conflit modernes/classiques :
Souvent, lorsqu’on poste un commentaire sur un blog, une mauvaise manipulation peut faire disparaître un texte patiemment écrit. De même, il est parfois impossible de l’éditer, tant pour retirer les erreurs d’orthographe et de syntaxe qui traînent que pour reformuler une idée ou y ajouter des précisions.
C’est ce qui est arrivé à ce post, que je restitue ici, mais dont je suis moins content que l’original, qui a disparu. Vous trouverez d’abord le lien vers le blog qui a suscité la réponse puis une reprise de la réponse que j’y ai faite, largement modifiée et polie par les relectures:http://enseignement-latin.hypotheses.org/9654#comments
“Je répondrai à votre commentaire en plusieurs points:
Tout d’abord, concernant la question du conflit modernes/classiques, elle est évoquée dans l’ouvrage de Clémence Cardon-Quint Des lettres au français, publié par les PUR. En s’appuyant sur les archives d’associations pédagogiques et disciplinaires, ainsi que sur des archives ministérielles, l’auteure montre que pour une part non négligeable, l’identité professionnelle du corps des professeurs de lettres modernes s’est constituée contre la présence du latin dans l’enseignement, tant secondaire que supérieur. C’est un point annexe de son propos (pour faire vite, le livre – très intéressant dans son ensemble – porte sur la question de la mise en œuvre de la démocratisation de l’enseignement du français), mais il est intéressant de noter que les arguments mis en avant à cette époque pour démontrer l’inutilité et la nocivité du latin et finalement son incompatibilité essentielle avec la démocratisation sont peu ou prou ceux que vous développez. Je pense que ces arguments sont faux, qu’ils sont construits sur des préjugés, compréhensibles dans le contexte historique et culturel de l’époque, mais qui ne résistent pas à l’analyse. Malheureusement, nous sommes les héritiers de cette situation née dans les années 1950 à 1970.
Ces arguments reposent aussi sur des erreurs d’ordre épistémologique, scientifique et culturel, que je vais essayer de réfuter plus bas. D’un certain côté, on peut considérer que nous vivons les derniers feux de ce débat avec la réforme du collège, qui décapite l’enseignement des langues anciennes là où il était fort (hors français, c’était la troisième langue étudiée au collège en France), prélude à une nouvelle réduction réussie (après celle du supérieur et du lycée), soit l’inverse d’une démocratisation. Le premier préjugé, le plus néfaste pour ces disciplines est celui qui est au cœur de tous les arguments contre les langues anciennes, est celui-là:
leur disparition de l’enseignement obligatoire est une des conditions à la réussite de la démocratisation scolaire (voir par exemple, dans le livre de Clémence Cardon-Quint, la retranscription de la motion d’orientation du congrès du SGEN-CFDT de 1964).Nous allons maintenant réfléchir aux trois erreurs que j’ai évoquées plus haut.
L’erreur épistémologique
D’un point de vue épistémologique, tout tourne autour de la question suivante: peut-on réellement appréhender la profondeur d’un texte lorsqu’il est en traduction?
Notons que cette question met en jeu la conception que nous avons de la compréhension des textes en latin et grec, mais aussi du travail sur les textes dans d’autres disciplines, les langues vivantes notamment…
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