Les cahiers Science & Vie #158 – Du IIIe au Ve siècle : Invasions barbares – la face cachée de l’histoire


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Editeur : Les cahiers Science & Vie

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Les Barbares ont mauvaise réputation. On leur reproche la ruine de Rome et de son Empire, présenté comme le fondement de notre civilisation. L’expression d’« invasions barbares » témoigne de cette ténébreuse aura. Elle a été popularisée au XIXe siècle par les historiens français, dans un contexte nationaliste où les Barbares prenaient le visage de l’ennemi allemand. Mais aujourd’hui, voici que les chercheurs n’usent de ce vocable qu’avec réserve. Des envahisseurs ? Les historiens pointent pour leur part l’extrême variété des relations entre Rome et les Barbares durant cette longue période qui court du IIIe au Ve siècle. Des Barbares,vraiment ? Il faut se méfier des mots. Aujourd’hui, le vocable de « barbare » désigne les auteurs de meurtres et de massacres gratuits, et la barbarie le comble de la sauvagerie et de la cruauté (voir l’interview de Tzvetan Todorov p. 80). Il en allait tout autrement au temps de la Rome antique où il renvoyait avant tout à ceux qui parlaient une autre langue. Or, même sous cet angle-là, les Barbares recèlent bien des surprises. Attila, barbare entre les Barbares, connaissait le grec et le latin. Il n’était pas un buveur de sang, mais un chef de guerre avisé (voir l’article p. 38). Les autres peuples barbares (Francs, Alamans, Burgondes…) se révèlent pétris de romanité. Ils font de brillantes carrières dans l’armée romaine. Au IVe et au Ve siècle, certains deviennent généraux et même consuls.

En 476, l’Empire romain d’Occident s’effondre. C’est le temps des royaumes barbares. Leur mauvaise réputation s’enrichit d’un nouveau chapitre. Ils auraient dilapidé l’héri- tage antique et précipité l’Europe dans la nuit. Selon les historiens actuels, l’apport des Barbares fut loin d’être négligeable (voir l’article p. 56). On le retrouve dans les mots, les prénoms, la toponymie, une certaine conception de la royauté… Faudrait-il chercher les racines de l’Europe tout autant chez les Barbares que dans la civilisation romaine ? Le débat reste vif sur cette question. Quoi qu’il en soit, aujourd’hui comme hier, les invasions barbares sont l’objet de récupérations politiques et idéologiques insidieuses. On se réfère à cette période pour instiller l’angoisse et la confusion : si le puissant Empire romain a fini par tomber, une civilisation aussi évoluée que la nôtre ne pourrait-elle s’effondrer demain ? Contre cette peur du déclin et de la submersion, la pédagogie des historiens ressemble à un véritable travail de Sisyphe…

Jean-François Mondot

(Site de l’éditeur.)

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