Rayon : Bandes dessinées
Texte : PERU Olivier
Dessin : GEYSER, LAMIRAND Sébastien
Editeur : Soleil Productions
Site de l'éditeur
Collection : Anticipation
Format : 44 pages
Présentation:
Au XXVe siècle, l’ISS OXYGEN est le premier vaisseau d’exploration spatiale à quitter la Terre avec des enfants à son bord. Alternant les phases d’hibernation, plusieurs familles se relaient aux commandes du navire. Pour s’occuper des plus petits durant les périodes d’éveil, l’équipage compte sur AC7+, un androïde de compagnie réputé pour son stock illimité d’histoires.
Hélas, après quelques siècles paisibles, une nuée d’astéroïdes croise la route de l’ISS et transforme le vaisseau en épave. Seules deux créatures survivent à la catastrophe : AC7+ et Ulysse, un nouveau-né. Changement de mission pour l’androïde : il faut élever le garçon et le ramener sur la planète bleue.
Notre lecture
L’association, sur la couverture d’abord, puis au coeur même de la narration, de l’anticipation et du célèbre début de vers de Du Bellay “Heureux qui comme Ulysse” vous fait directement toucher du doigt un peu de cette ironie que le héros de l’histoire cherche à appréhender – un robot attachant qui dès le début et plus encore à la fin, se convertit plaisamment en un nouvel Homère aux ressources inépuisables, toujours prêt à charmer son auditoire enthousiaste (notamment, mais je ne voudrais pas en dire trop !).
“… a fait un beau voyage / […] et puis est retourné, plein d’usage et raison, / vivre entre ses parents le reste de son âge !” Oui, ce récit se plaît à jouer à la fois avec l’épopée homérique et avec le poème de Du Bellay… Car il est bien question d’un exil douloureux, loin de chez soi, et d’un voyage de retour, dont on ne rentre pas le même, et dont le point d’arrivée n’est plus tout à fait le point de départ. À la manière de l’Ulysse d’Homère qui, après avoir vécu si longtemps loin de chez lui et au milieu de tant d’épreuves (à commencer par dix années de guerre), doit reconquérir à la fois son propre territoire et le coeur de sa propre épouse, et se retrouver lui-même, l’Ulysse de cette bande dessinée est étranger à tout ce vers quoi son voyage tend : il n’a plus de famille, sa naissance a eu lieu sur le vaisseau spatial qui le transporte, loin de la planète bleue qu’il devra pourtant faire sienne, et à son arrivée, il aura, en l’espace d’une nuit (de près d’un millénaire !), franchi la frontière qui sépare la prime jeunesse de l’ultime vieillesse… De même, on pourra retrouver dans cette histoire le thème de l’immobilisation durable et douloureuse auprès d’un être “cher” capable d’offrir une forme d’immortalité – refusée pour des raisons qui ne manqueront pas d’interroger le lecteur. Un autre écho encore ? Un Cyclope issu des temps immémoriaux (dans la mesure où aucun homme ne saurait dater son origine), un cheval de Troie, aussi…
Androïde est le deuxième tome d’une série d’histoires indépendantes les unes des autres, que réunit seulement le thème de l’intelligence artificielle. Dans ce volume, le récit commence au coeur du vaisseau ISS Oxygen, où l’on voit se distinguer deux intelligences artificielles très différentes (par leur capacité à ressentir des émotions) ; sur ce fond qui restera très présent tout au long de l’histoire, un nouvel Ulysse naît et grandit, presque seul survivant d’une catastrophe spatiale. Bientôt, le voici qui doit entrer dans une sorte d’hibernation protectrice (la stase) : ce n’est que plus de près de mille ans plus tard, âgé de presque cent ans, qu’il pourra – peut-être – se réveiller. En attendant, le vaisseau poursuit sa route, et parvient à rejoindre une Terre… inattendue !
C’est un ouvrage qui ne manquera pas de satisfaire les lecteurs curieux – et pas seulement ceux des CDI de collèges ! À l’intertextualité homérique qui offre un jeu agréable et confère une certaine originalité à la thématique futuriste de la relation entre hommes et robots (et ce n’en est pas la seule source !), s’ajoute un récit bien rythmé et quelques situations émouvantes ou propices à la réflexion, notamment sur les émotions, sur la génétique, sur la violence, sur la technologie ou même sur la mort – sur l’humain, en somme.
Merci aux éditions Soleil qui nous ont fait parvenir un exemplaire pour réaliser cet article.
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