SCULPTURES
ETRUSQUES
Jean-Claude Daumas, Historien – pour Latine Loquere
SPECIFICITES
MATERIAUX :
grande différence avec la sculpture grecque ou romaine – les
Etrusques n´ont quasiment pas travaillé la pierre ; leurs
matériau de prédilection étant la terre cuite (argile) et le
bronze. Secondairement, ils ont utilisé le bois, l´albâtre,
l´ivoire et l´ambre.
FORMES : abondance de statues,
statuettes, plaques, antéfixes et acrotères ; les grandes
statues en terre cuite étant essentiellement installées en
acrotères sur les toitures de temples.
SCULPTEURS : un seul nom connu “
Vulca – qui a travaillé au VIème siècle à Véies et à Rome.
CARACTERES : le goût
« villanovien » du vivant, du narratif , sinon du
baroque, perdure ; le respect de proportions n´est pas un
souci majeur (étirement des corps, parfois extrême), contrairement
au réalisme des portraits ou à la minutie des bas-reliefs.
CHRONOLOGIE
Les influences grecques et orientales
se font sentir mais les Etrusques ont choisi les modèles qui leur
convenaient : quasi absence de statues équestres (sauf en
Campanie proche des colonies grecques) et de personnages assis (sauf
dans la statuaire funéraire).
VILLANOVIEN : bronzes martelés
imitant la vaisselle des buveurs de vin grecs avec décors
géométriques et linéaires, surmontés de petites figurines en
bronze coulé : animaux et cavaliers stylisés aux bras écartés
et trop longs.
VIIème siècle : immobilité
lourde et majestueuse de personnages à visages ovales, bien visibles
des :
– Figurines en bucchero nero =
longues robes droites des « figures tubulaires ».
– Statuettes en bronze de femmes
enveloppées dans un manteau d´hiver ou d´hommes en simple
pagne : silhouettes massives.
VIème siècle : les Couroi
grecs (homme nu debout) et les Coré grecques (femme
drapée debout) sont interprétés avec la saveur étrusque = corps
dynamiques et souples, visages expressifs au sourire énigmatique
(tête d´Hermès ; Apollon de Véies réalisé par Vulca). Une
joie de vivre qui se retrouve dans les personnages massifs décorant
les objets en bronze (trépieds et encensoirs à relief ajouré).
Indifférents aux proportions du corps humain, les sculpteurs
étrusques sont par contre très attentifs à l´expression (yeux,
bouche, mains) et au détails des vêtements, des parures, …
Vème et IVèmes siècles :
déclin puis renouveau avec des figures calmes, des visages
impassibles ; sobriété et simplicité de la Louve du Capitole,
puissance et fantastique dans la Chimère d´Arezzo (380-360).
IIIème et IIème siècles :
admirables portraits au réalisme cru (visages ridés, ventres
gonflés) sur les couvercles d´urnes de défunts accoudés, pose
qui se retrouvera à Rome et à la Renaissance. Terres cuites des
frontons influencées par Praxitèle ou Scopas : torse
d´Apollon. Sérénité du visage de l´Orateur (vers 80 avant
J.-C.) et volonté farouche dans celui de Brutus = futurs caractères
de la sculpture romaine. Etirement des statuettes en bronze :
petite tête, jambes très allongées = stylisation des corps (
« Ombre du Soir »)
LE TRAVAIL DE L´ARGILE
Les textes antiques, corroborés par
les trouvailles archéologiques, vantent l´excellence du travail
des « coroplastes » étrusques qui ont œuvré du VIIème
au début du Ier siècle avant J.-C., l´apogée de leur art se
situant au VIème siècle.
TERRES CUITES ARCHITECTONIQUES
Destinées à la protection des
parties périssables des édifices (bois) et à leur embellissement
par le relief et la couleur, elles sont remarquables :
– Antéfixes à têtes féminines
aux yeux énormes (Véies), au visage serein (Acquarossa), aux joues
rouges et au sourire touchant (Caeré) ; ou à sujet
mythologique (harpies, ménades, tritons, silènes, …).
– Acrotères, véritables
statues en ronde bosse de guerriers ou de personnages et animaux
mythologiques : sphinx, griffons, Centaure de Vulci (fin
VIIème), Apollon de Véies et Hermès souriant (vers 500),
haut-relief d´une grande virtuosioté des Sept contre Thèbes à
Pyrgi (Vème).
– Plaques décoratives :
scènes mythologiques à contours et détails nets, muscles
soulignés, profils aigus ; frises d´animaux, courses de
chevaux, banquets, cortèges, guerriers à cheval. A Caeré : un
guerrier corseté dans son armure, à l´arrière d´un char
conduit par un aurige ; des cavaliers à boucliers ronds
galopant lance en avant.
TERRES CUITES VOTIVES
Petits modèles reproduits à des
milliers d´exemplaires pour être offerts dans les temples aux
divinités afin de les implorer ou de les remercier = des
portraits soignés, réalistes, anecdotiques comme celui d´une
jeune femme relevant un pan de son manteau.
URNES et SARCOPHAGES
Figure principale : un couple
allongé sur un lit de banquet avec le geste affectueux du mari
entourant son épouse de son bras droit. Des bustes d´un réalisme
saisissant, malgré la stylisation des traits du visage, grâce à
l´intensité de son expression, au jeu des mains, au sens du
volume.
LE TRAVAIL DES BRONZIERS
Les bronzes
étrusques ont été exportés à partir du VIIIème siècle
(Villanovien) dans toute l´Europe, même dans l´Athènes de
Phidias au Vème siècle ; ils furent recherchés par les
Romains qui, par exemple, ont raflé 2 000 statues à Volsinies après
la prise de cette ville en 264.
Les bronziers villanoviens puis
étrusques maîtrisaient parfaitement les trois techniques de cette
métallurgie (alliage au cuivre local de l´étain importé) :
Laminage = martelage et soudure
de feuilles de bronze pour fabriquer des récipients, armes, …
Fonte pleine = métal coulé
dans un moule en terre réfractaire.
Fonte creuse
= noyau dur à l´intérieur du moule (pour économiser le métal).
Les grandes statues à partir du IVème siècle seront fondues en
plusieurs morceaux, soudés par la suite.
PRODUCTIONS :
Armes défensives (casques,
cuirasses, jambières, boucliesr ronds) et offensives.
Harnachements de chevaux et
ornements de chars.
Vaisselle : coupes,
oenochoés et cratères des services à vin ; chaudrons.
Cistes : boîte-coffret à
bijoux ou à fards = cylindres incisés tout autour avec pieds,
poignées et couvercle sculptés de personnages et d´animaux.
Parures et instruments de toilette :
fibules, pendentifs, miroirs, rasoirs, …
Candélabres et brûle-parfums :
tige sur trépied terminée par des griffes pour chandelles pour
l´un, par une coupelle pour l´autre.
Statues et statuettes.
ELEMENTS DE CHRONOLOGIE
Villanovien : instruments,
récipients et armes.
600 à 450 : période la
plus riche, en particulier de 540 à 370 où l´Etrurie pouvait
parfois concurrençer la Grèce ! La production de Vulci est
alors la plus abondante et la plus exportée en Europe :
trépieds, candélabres, brûle-parfums, vases ornés de motifs
finement rendus végétaux, animaux et humains. La Louve du Capitole
(470-460) de Véies est la plus ancienne des statues monumentales en
bronze.
IVème siècle : retour au
classicisme grec visible dans l´équilibre et la sérénité du
Mars de Todi et peut-être dans « l´Orateur » de
Pérouse (1,80 m ; vers 80) ; par contre la Chimère
d´Arezzo (380-360) est expressioniste avec ses muscles saillants,
la férocité de son expression, sa crinière en bataille et la
torsion de son cou.
MIROIRS et ORFEVRERIE
Deux grandes
spécialités étrusques qui ont atteint la perfection.
MIROIRS
Produits de la fin du VIème à la fin
du IIIème siècles, objet d´un corpus de 13 fascicules, les
miroirs en bronze se composent de deux éléments. Un disque
parfaitement circulaire ou piriforme avec une face polie – le miroir
proprement dit – et un revers au décor gravé au burin à inciser.
Un manche relié au disque directement ou par un talon (transition) ;
en une seule pièce ou fixé sur une soie partant du disque. Poids :
100 gr à 1 kg.
C´est une vraie « Bible en
images » : un répertoire de divinités et de scènes de
première importance pour la mythologie grecque (des variantes et des
versions rares) et la religion étrusque, mais souvent
d´interprétation difficile.
Cette perfection de la gravure
s´étends aussi aux cistes.
ORFEVRERIE
L´aristocratie étrusque avait une
prédilection pour l´or et leurs orfèvres “ de remarquables
virtuoses – ont porté au summum les procédés connus en Orient et
en Grèce :
Martelage pour obtenir des
feuilles d´or d´une finesse extrême.
Repoussé pour créer des
reliefs.
Filigrane : obtention de
fils d´une incroyable finesse, à section ronde ou carrée, pour
dessiner des motifs géométriques, d´élégantes ondulations.
Granulation : fils découpés
en minuscules billes (grains de 0, 3 mm de diamètre) fixées par
soudure aux feuilles d´or martelées. Une véritable « poussière
d´or » qui donne un aspect velouté, chatoyant, éblouissant :
cf. les cheveux et la barbe d´Acheloos (Vème siècle), le
dieu-fleuve.
Les bijoux villanoviens ont précédé
les bijoux étrusques qui apparaissent dès 675 à Caeé, Populonia,
Vétulonia et Vulci. Des bijoux inspirés de l´Orient, très
chargés, et plein de fantaisie décorative.
URNES CINERAIRES
Sculptées dans la
pierre “ en particulier dans l´albâtre – ou modelées dans
l´argile, les urnes cinéraires hellénistiques (250 à 100 avant
J.-C.) de Pérouse, Chiusi et Volterra offrent sur les parois de leur
cuve un répertoire de première grandeur pour les scènes
mythologiques, parfois non interprétables (mythes grecs disparus et
mythes étrusques inconnus). C´est un vrai déferlement de drames,
de scènes violentes et cruelles ( Agamemnon succombant sous les
coups de Clytemnestre, …), avec parfois l´apparition des démons
infernaux étrusques, ce qui contraste violemment avec les attitudes
paisibles de l´effigie des défunts installée sur le couvercle,
même si ce sont parfois des portraits naturalistes d´hommes âgés
aux traits tourmentés.
Les sculptures les mieux réussies –
écho de l´art de Pergame (héroïsme ; pathétique) –
tranchent avec des productions locales médiocres comme celle des
banqueteurs de Volterra à grosses têtes inexpressives.