L´ETRUSCOLOGIE :
un survol
par Jean-Claude Daumas, Historien – pour Latine Loquere
Depuis un peu
plus de 5 siècles, les Etrusques – dont le souvenir s´était
estompé à la fin de l´Empire romain “ ont resurgi en pleine
lumière : un second « miracle » étrusque ?
A LA
RENAISSANCE
La
redécouverte des Etrusques est liée en partie à la famille des
Médicis qui, pour faire pièce aux papes « héritiers »
de Rome, revendiquent l´héritage étrusque, en particulier celui
de Porsenna. Laurent le Magnifique (1448-1492) et surtout Côme
1er (1519-1574) –
le premier Grand Duc de Toscane “ mettent les Etrusques à la
mode : en 1541 est fondée l´Académie florentine vouée
d´abord à l´étruscologie. Alberti et Vasari exaltent « l´ordre
toscan » (fûts de colonnes non cannelés, chapiteaux
circulaires simples) qu´ils considèrent comme un vrai ordre face
aux trois ordres grecs (dorique, ionique, corinthien) et à l´ordre
composite romain.
En 1507 est
découvert l´hypogée de Castellina in Chianti qui inspire un
projet de construction à Léonard de Vinci. Au milieu du XVIème
siècle trois découvertes majeures de statues à Arezzo (Minerve,
Chimère et « l´Orateur ») viennent enrichir les
collections des Médicis.
AU SIECLE DES
LUMIERES
Après
l´éclipse du XVIIème siècle “ le livre de l´Ecossais
Dempster, rédigé en 1616-1618, ne sera publié qu´en 1723-1726 “
les Etrusques resteront au premier plan. Les découvertes se
multiplient et alimentent les collections privées comme celle de
Mario Guarnacci (1701-1785) à Volterra. Des Académies sont créées,
la plus importante étant celle de Cortone (1727), et Winckelman dans
son histoire de l´art antique consacre un chapitre à l´art
étrusque qu´il trouve cependant « inachevé ». Se
développe alors une véritable étruscomanie : le « style
étrusque » du mobilier et des décors perdurera jusqu´au
XIXème siècle.
AU XIXème
SIECLE
FOUILLES ET
COLLECTIONS : « l´exploitation » de grande ampleur
des nécropoles de Tarquinia, Caeré et Vulci enrichit en « belles
pièces » (dispersées et sans contexte …) les musées
européens et révèle au public cultivé les richesses de la
civilisation étrusque. Les plus célèbres « entrepreneurs »
de ces fouilles à but lucratif furent Lucien Bonaparte à Vulci et
le marquis de Campana à Caeré où il « récolta » 15
000 pièces, dont 12 000 seront acquises en 1861 [époque où la
France aide à l´unification de l´Italie …] pour enrichir les
collections du Louvre et de musées provinciaux.
VERS
UNE RECHERCHE SCIENTIFIQUE : l´Institut de recherche créé à
Rome en 1829 préfigure l´ouverture de musées publics (Vatican,
Florence, Bologne, Villa Guilia
à Rome) et de solides publications, en particulier – à
l´initiative souvent de savants allemands “ la confection de
Corpus : urnes à
reliefs, miroirs gravés, peintures, inscriptions.
AU XXème
SIECLE
La
recherche est désormais aux mains d´organismes publics
(universités, instituts italiens et étrangers) ; elle utilise
des méthodes scientifiques et s´intéresse à tous les aspects de
la civilisation étrusque : habitat, métallurgie, commerce
maritime, …
1926 :
1er colloque
international à Florence [le second aura lieu en 1985 et le premier
hors d´Italie en 2002 à Lattes et Marseille].
1927 :
création de la revue Studi Etruschi.
1932 :
création d´un institut d´études étrusques à Florence, devenu
l´Institut d´Etudes Etrusques et Italiques avec des sections en
France, Allemagne, Autriche et Etats-Unis.
1942
et 1947 : synthèses majeures de Massimo Pallottino.
1992-1993 :
exposition sur « les Etrusques et
l´Europe » à Paris et Berlin.
L´ETRUSCOLOGIE
EN FRANCE
Deux
pionniers : Stéphane Gsell « Fouilles
de la nécropole de Vulci », 1891.
Albert Grenier « Bologne
villanovienne et étrusque », 1912.
Deux
continuateurs : Raymond BLOCH qui a fouillé Bolsena et publié
plusieurs ouvrages dans les années 1950 et surtout Jacques HEURGON “
thèse sur Capoue préromaine (1941) et ouvrage grand public en 1961
“ La vie quotidienne chez les Etrusques.
Arrivé à Rome en 1928, Jacques HEURGON peut être considéré, avec
Massimo PALLOTTINO, comme le créateur de l´étruscologie moderne.
Depuis
l´époque Bloch-Heurgon, 25 étruscologues français ont été
membres de l´Ecole française de Rome qui a fouillé à Bolsena,
Marzabotto, Musarna (1982-1999) “ cité de Tarquinia – et la
nécropole de Monterenzio (2000-2005), cité de Felsina.
Les
étruscologues français se répartissent entre Paris IV et X,
l´Ecole du Louvre, l´Ecole Pratique des Hautes Etudes, Normale
Sup (UMR 8546 pour tenter de regrouper les chercheurs), Aix,
CNRS-Lattes, …