Hommage à Samuel Paty sur Odysseum – La liberté d’expression : Hypatia, Einstein, Gamow, Camus.

Parce que les Langues et Cultures de l’Antiquité permettent de prendre le recul nécessaire pour aborder la complexité du monde d’aujourd’hui, l’équipe d’Odysseum a créé des ressources pédagogiques pour rendre hommage à notre collègue Samuel Paty et aborder la question de la liberté d’expression.

Nous relayons ici le message du comité éditorial d’Odysseum.

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 LA LIBERTÉ D’EXPRESSION : HYPATIA, EINSTEIN, GAMOW, CAMUS. POUR SAMUEL PATY

L’inscription de l’objet d’études Croire, Savoir, Douter, au programme des Langues et cultures de l’Antiquité en 2018 n’était ni ponctuelle ni anodine.

Elle était portée par l’idée qu’il importe de se défier de toute affirmation absolue de la vérité, les divers totalitarismes nous l’ont tristement appris. Jean Rostand, le grand biologiste aimait aussi à dire :

“la vérité que je révère c’est la modeste vérité de la science, la vérité relative, fragmentaire, provisoire, toujours sujette à retouche, à correction, à repentir, la vérité à notre échelle; car tout au contraire je hais la vérité absolue, la vérité totale et définitive, la vérité avec un grand V, qui est la base de tous les sectarismes, de tous les fanatismes et de tous les crimes”1.

Cette mise au programme était aussi portée par la conviction qu’un enseignant, selon l’expression forte de Dominique Borne, « doit pratiquer l’absolu de la recherche de la vérité »2. Car si l’école de la république reconnaît l’existence des croyances religieuses et les respecte, il est tout aussi essentiel que les élèves comprennent qu’affirmer sa croyance en la pensant légitime et rechercher la vérité ne relèvent pas de la même démarche : elles appartiennent à des registres différents. La recherche de la vérité est une approche à la fois épistémologique et éthique : elle est nécessairement liée à la liberté d’expression et à la pensée humaniste. La laïcité à l’école repose de fait sur le principe fondamental d’une expression libre et critique. C’est ce qu’a rappelé à sa manière et avec justesse le juge qui débouta en 1981 aux États-Unis, à Little Rock dans l’Arkansas, les tenants du créationnisme qui voulaient voir reconnaître leur croyance comme une théorie scientifique digne d’être enseignée au même titre que la théorie de l’évolution. Le juge dans sa décision affirma que le créationnisme ne répondait pas aux critères d’une hypothèse scientifique ainsi définie :

– elle doit être guidée par les lois de la nature

– elle doit être explicative

– elle doit pouvoir être testée

– elle ne peut dans ses conclusions avoir le dernier mot et se dire définitive

– elle doit être susceptible d’être remise en cause par de nouvelles théories et de nouvelles expériences

À l’école, la recherche libre et critique se déploie donc avec un esprit humaniste et laïque : elle ne doit pas craindre de faire la chasse aux mensonges des uns tout en mettant en évidence les faux semblants des autres. Elle doit permettre d’expliquer aux élèves qu’adhérer à une croyance et poursuivre la vérité sont deux engagements compatibles du sujet de pensée, mais que la seconde démarche – rechercher la vérité – ne doit jamais être sacrifiée sur l’autel d’un dogme religieux quel qu’il soit. Ces deux registres sont radicalement différents et impénétrables. C’est pourquoi sommer l’élève de choisir ne pourrait aboutir qu’à une injonction douloureuse et contradictoire, qui risquerait de déboucher sur un malaise psychologique ou une radicalisation de la pensée. Ce n’est pas une voie de libération de la faculté de juger, ni le sens de la laïcité, qui est d’abord une ouverture libre et critique de l’esprit. Apprendre à concilier des dimensions différentes de l’identité et de la personnalité, dans la construction du sujet, et la souplesse qui permet d’organiser en soi la complexité des idées, tel est l’enjeu de la formation d’un esprit humaniste, libre et apte à s’enrichir du réel. Mais, surtout, cet apprentissage passe nécessairement par une réflexion approfondie sur la distinction entre différentes formes d’adhésion, de jugement et de construction intellectuelle : savoir, idéologie, croyance, opinion, vérité. Si ces distinctions ne sont pas opérées à l’école, l’obscurantisme, nourri de la peur et de l’ignorance, qui a frappé cruellement au cours de l’histoire et a frappé notre collègue Samuel Paty, se diffusera encore.

C’est pourquoi nous avons choisi pour cette séquence consacrée ici à la liberté d’expression dans l’enseignement et la recherche, de revenir sur le destin de la professeur et savante Hypatia, assassinée par des fanatiques à Alexandrie, au début du Vème siècle de notre ère. Comme un écho, par delà les siècles, à la mort tragique de notre collègue Samuel Paty, à qui il nous a paru impératif de rendre cet hommage.

Aujourd’hui, cette femme professeur – la première à qui on accorda le titre de “philosophe” au féminin – est l’un des symboles de l’esprit humaniste face à l’obscurantisme, l’un des “témoins” – c’est le sens même du mot “martyr” – de la force émancipatrice de la pensée contre l’oppression du fanatisme. Hypatia demeure à nos yeux la figure de l’enseignante passionnée par le désir de transmettre, mais aussi consciente que la remise en question et le doute sont indispensables aux progrès de la connaissance et de l’humanité.

L’image de cette savante enseignante renvoie ici à l’engagement des professeurs et chercheurs qui ont connu hier les persécutions des totalitarismes nazi et stalinien, mais aussi à la résistance de ceux qui sont aujourd’hui exposés aux pressions de toutes sortes, dans les pays où la liberté de la recherche et le doute méthodologique inhérent à la science heurtent les dogmes de la croyance.

Nos remerciements particulièrement vifs vont à Michèle Leduc et à Étienne Klein, tous deux professeurs  et physiciens à la renommée internationale, ainsi qu’à Agnès Spiquel et Françoise Kleltz-Drapeau et François Chapuis respectivement littéraire, philosophe, et médecin. Ils ont bien voulu témoigner ici de cette liberté d’expression trop souvent menacée, afin de permettre à partir du destin d’Hypatia, d’organiser un débat sous la forme d’une confrontation culturelle sur le sort fait parfois aux  chercheurs et professeurs d’hier et d’aujourd’hui. Un débat qui conduit, sans réduire les écarts historiques, à développer chez les élèves une conscience humaniste ouverte aux variables culturelles. La réflexion menée au cours de l’étude des textes concernant la figure d’Hypatia, pourra se poursuivre  à partir des textes de Michèle Leduc et d’Étienne Klein, de l’avis du comité d’éthique du CNRS sur la liberté  et la responsabilité du chercheur ainsi que du texte sur Camus. Ce texte montre fortement comment dans la lignée d’Hypatia et  luttant contre le fanatisme et l’ignorance, Camus dans l’esprit de ce qu’il appela ” la pensée de Midi”  chercha ce qui peut rassembler les hommes, ce qui fait appel en eux à ce qui est le plus humain : c’est “la beauté, le camp où il rejoint les Grecs ».

On se reportera aussi efficacement sur la question de la liberté d’expression aux ressources fortes mises en ligne sur ÉDUSCOL, dans le cadre de “Hommage à Mr Samuel Paty et unité autour des valeurs de la République”  à l’intérieur du dossier pédagogique pour organiser l’accueil des élèves en classe après l’assassinat de Samuel Paty. Second degré : collège, LP; LGT, BTS et CPGE.

Le comité éditorial d’Odysseum

 

Confronter les mondes antique et contemporain grâce aux articles du dossier : 

Sur EDUSCOL :

2 novembre 2020

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PROGRAMMES DE LANGUES ET CULTURES DE L’ANTIQUITÉ

Collège : enseignement de complément

Lycée : enseignement optionnel 

Lycée : enseignement de spécialité Littérature, langues et cultures de l’Antiquité

Composition du dossier 

Dans l’Antiquité, autour de la figure d’Hypatia : 

Dans le monde contemporain, Einstein, Gamow, Camus … : 

 

Notes 

  1. Jean Rostand, in Le droit d’être biologiste, 1964.
  2. Dominique Borne, « Conclure ? » in Laïcité, vérité, enseignement,p.121, SCEREN-CNDP, 2006.

A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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