Le thème fait l’objet d’un appel à contributions:
Ce numéro de la revue “Mots. Les langages du politique” propose de se focaliser sur les réalités politiques anciennes, par l’angle d’attaque du vote à Rome (vote électoral, législatif et judiciaire). Nous voudrions interroger la valeur politique des mots latins et grecs et retracer l’histoire de leurs traductions, de leurs reprises et de leurs transformations dans le temps long, jusqu’à la période contemporaine. Cette perspective à la fois synchronique et diachronique doit permettre de faire dialoguer spécialistes de l’Antiquité et spécialistes des périodes postérieures pour cerner, par des approches principalement historique, lexicologique (voire traductologique) et politistes, tout autant l’importance de l’étude des mots pour comprendre les realia et les rapports de force politiques à Rome que le rôle de la référence à l’Antiquité dans la construction de la pensée et des systèmes politiques modernes (sur ce dialogue, Bonnafous et al., 2003). […]
Sens et significations
Les historiens du vote romain ont souvent porté peu d’attention à la diversité du vocabulaire employé dans les sources. Les Romains disposaient pourtant d’un lexique qui paraît riche et qui renvoie à différentes étapes du vote qui ont été jusqu’à présent peu reliées à ce vocabulaire. On dispose de termes faisant probablement référence à l’acte de candidature (competitor, petere, candidatus), mais aussi d’autres évoquant plutôt l’issue du vote (autour de l’investiture ou de la promulgation d’une loi avec des verbes comme designare, declarare, etc.) en passant – c’est souvent le plus connu – par le vocabulaire de la campagne (brigue, corruption pour ne citer que le « couple » en partie resté sans définition précise : ambitio, ambitus) ou à celui des opérations de vote en particulier (à l’instar de suffragium). Diversifié et complexe, ce vocabulaire n’est pas dépourvu d’ambiguïtés qui nécessitent que l’on entreprenne une analyse lexicologique de détail. Un verbe aussi fréquent que creare (« créer ») fournit par exemple un exemple de terrain d’étude intéressant : celui-ci peut renvoyer aussi bien à la « création » d’un magistrat qu’à celle d’une magistrature ; le peuple est tantôt décisionnaire, tantôt simple spectateur (sur cette polysémie : Oakley, 1998). Un travail d’étude exhaustif des occurrences du terme permettrait peut-être d’en mieux saisir le sens : chez Tite-Live, par exemple, et à la différence de Cicéron, creare a dans ses 529 occurrences un sens politique, renvoyant à des magistratures « créées » ou à des magistrats « investis » dans celles-ci (Gaudemet, 2014). Nous faisons ici le pari qu’aborder le vote par les mots latins qui le disent permettra de porter un regard neuf sur un objet d’étude souvent envisagé sous la reconstitution parfois délicate de pratiques institutionnelles mal connues.
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En faisant dialoguer différentes époques et l’Antiquité, peut-être ce thème de recherche suscitera-t-il aussi, pour les collégiens et lycéens, une idée de séquence ou nourrira-t-il une séance de cours…