La guerre est un domaine fondamental de l’investigation philosophique, en ce qu’elle permet d’interroger la nature de l’homme, la dynamique de l’histoire, et les relations entre les êtres humains.
Le champ lexical lié à la guerre, on s’en souvient, est réapparu dans l’espace public avec l’émergence du Covid-19 et le « Nous sommes en guerre », d’Emmanuel Macron. Depuis quelques semaines, le scénario de guerre est devenu une réalité concrète avec conflit au cœur de l’Ukraine dont les origines et la dynamique ont été largement sondées.
La rhétorique de la guerre des armes semble à présent prévaloir sur celle de la négociation, avec la perspective d’un conflit aux proportions mondiales loin d’être rassurante.
Habitués que nous sommes à commémorer les tragédies du 20e siècle, et après une longue période de paix, nous, Européens, n’avions jamais imaginé qu’après la pandémie, une sorte de troisième guerre mondiale se profilait à l’horizon. Pourtant, la guerre n’a jamais disparu de l’existence humaine : il y a eu plus de morts en raison de la guerre dans le monde entre 1945 et 2000 que pendant la Seconde Guerre mondiale.
Pour Homère, un « mal nécessaire »
Dans la culture antique, Homère définit la guerre dans l’Iliade. Il l’appelle Pòlemos kakòs, autrement dit « la guerre est un mal », mais ajoute immédiatement après, « un mal nécessaire ». La guerre joue un rôle fondamental dans la vie des héros représentés dans ses poèmes. Il suffit de penser que les protagonistes de l’Iliade et de l’Odyssée sont deux rois guerriers : Achille et Ulysse.
L’Iliade nous présente d’autres figures de héros guerriers, parmi lesquelles se distinguent Ajax et Hector. Chacun de ces binômes a une connotation différente dans son approche de la guerre : Hector et Ajax représentent la guerre menée de manière éthique, c’est-à-dire menée sur la base de règles et ouvertement avec l’adversaire. Achille, quant à lui, représente la guerre violente, qui frappe traîtreusement et ne se soucie pas des règles. Ulysse représente la guerre rusée, qui se déplace avec intelligence pour surprendre l’adversaire. C’est une guerre imprévisible et créative, qui s’adapte à toutes les situations.
Ainsi qu’Ulysse le rappelle à Agamemnon : « depuis sa jeunesse jusqu’à sa vieillesse, il a soutenu des guerres terribles, jusqu’à ce que tout le monde meure » (Il. XIV, 84-87). Ulysse est le seul survivant de la guerre de Troie. Habile marin et scrutateur attentif des situations qui l’entourent, le plus grand vainqueur de la plus grande guerre de l’antiquité est un marin, qui a gagné parce qu’il a joué la ruse plutôt que la violence.
La guerre révélatrice
Pour Héraclite, la guerre représente le grand moteur des vicissitudes humaines : « Pòlemos est le père de toutes choses, de tous les rois, et il révèle les uns comme des dieux et les autres comme des hommes, les uns comme des esclaves et les autres comme des libres », écrit-il. Elle détermine la destinée humaine, pour le bien et le mal, et pas seulement cela : la guerre, selon lui, régirait toute la cosmologie grecque.
Le conflit, l’affrontement, se produisent aussi bien dans la nature que dans le monde humain et dans les deux cas prévaut la logique de la conquête, de la défaite de l’adversaire pour l’emporter. Elle influence la physique et la métaphysique, l’épistémologie et l’éthique. La vie humaine elle-même est une guerre permanente, mais elle ne doit pas être fondée sur une violence inutile. C’est l’ingrédient qui doit nous donner la force de comprendre clairement les choses du monde et ceci, selon le philosophe, est un exercice difficile, car la plupart des hommes sont de nature lâche et passive.
Lire l’article complet de Lucia Gangale Doctorant, Université de Tour, sur The Conversation : https://theconversation.com/comment-les-philosophes-de-lantiquite-pensaient-la-guerre-178494