Une attestation des conflits entre cités-États sumériennes à l'époque des dynasties archaïques : la Stèle des vautours montrant l'armée de Lagash triomphant des troupes d'Umma. Vers 2450 av. J.-C., musée du Louvre. / Sting, wikipedia

Sexe et amour de Sumer à  Babylone / Les cahiers européens de l´imaginaire



Media : France Culture
Emission : L'essai et la revue du jour

Présentation: FC – L’essai et la revue du jour : Sexe et amour de Sumer à  Babylone /
Les cahiers européens de l´imaginaire – 14-03-2012 (7′)

Véronique Grandpierre : Sexe et amour
de Sumer à  Babylone (Folio) / Les cahiers européens de l´imaginaire
Février 2012 Dossier L´Amour (CNRS Editions)

L´auteure s´emploie pour commencer
à  balayer les mythes et les ragots répandus par les Grecs, Hérodote
en tête, sur l´oriental lascif et décadent, efféminé et cruel,
soumis au gouvernement des épouses ; les filles vendues à  l´encan
en mariage, l´obligation faite aux femmes de se rendre au moins une
fois dans leur vie au temple pour s´offrir au premier venu… des
mythes qui ont eu la vie dure puisqu´on les retrouvera des siècles
plus tard sous la plume du marquis de Sade. Ces fantasmes étaient
aussi destinés à  mettre en valeur, par contraste, la retenue et la
vertu masculine des hellènes, sans doute aussi en grande partie
fantasmée, mais on n´en trouve aucune trace dans les documents
délivrés par l´archéologie qui révèlent plutôt un encadrement
de la sexualité, même s´il est vrai qu´aucun tabou moral n´est
porté sur le plaisir et l´amour, même entre personnes du même
sexe.

Véronique Grandpierre a organisé sa
défense en six parties : la sexualité des dieux, beaucoup moins
volages que ceux du Panthéon grec et qui restent entre eux pour
faire la chose, à  quelques exceptions près, notables cependant,
comme celle de Gilgamesh, deux tiers divin et un tiers humain du fait
de la divinité de sa mère. La place de chacun des deux sexes sous
le regard de la société, ainsi que le cadre légal dans lequel se
produisent ces relations amoureuses, essentiellement conjugales et
qui doivent favoriser la fécondité constituent les deux parties
suivantes. Viennent ensuite les transgressions à  ce cadre sociétal
et juridique, les amours illicites et les infractions sexuelles :
l´adultère, le viol voire la zoophilie. Au chapitre 5, nous sommes
enfin autorisés à  pénétrer le jardin des délices, les lieux pour
le faire et les mots pour le dire. Et pour s´envoyer en l´air
dans la machine à  remonter le temps, le dernier chapitre nous
dévoile tous les secrets de la séduction à  Babylone, les parfums,
les huiles et les pigments, ainsi que les sortilèges du plaisir
partagé ou encore les préconisations en cas de panne.

Pour ce qui est des mots, les plus crûs
conviendront à  notre édification. « Je veux te baiser ! » déclare
sans ambages le dieu Enlil à  la belle Ninlil qui se baignait dans la
rivière en contrevenant aux recommandations de sa mère, et la
jouvencelle lui rétorque que son organe est trop petit, ce qui se
révèle au bout du compte un prétexte. En Assyrie, elle est parfois
identifiée à  la grande déesse de l´amour, Ishtar, ou Astarté,
dont les amants connaissent un destin funeste. Eternelle célibataire
et amoureuse, elle n´est pas la déesse du mariage et son temple
est parfois désigné comme « la taverne » ou « le bordel », ce
qui revient au même. C´est pourquoi lorsqu´elle propose son lit
à  Gilgamesh, celui-ci refuse énergiquement en déclamant : « Tu
n´es qu´un brasier qui s´éteint dans la glace, une porte
ouverte qui ne retient ni vent ni brise, un palais royal qui crève
les yeux du guerrier… » Curieusement, dans l´univers des dieux,
c´est à  Enki/Ea, le dieu de la sagesse, que sont associées les
représentations phalliques trouvées en Mésopotamie. L´auteure ne
s´autorise aucune déduction mais le fait est là  et pour nous il
fait signe en direction de l´amour socratique et de la « paideia »
grecque, l´éducation aux vertus des amitiés particulières.

Pour ce qui est des questions de genre,
à  part l´exception d´Ishtar, divinité et pouvoir royal sont
dévolus aux hommes. Même si la femme est vénérée pour sa
fonction de reproduction, nous sommes dans le contexte de la
domination masculine et si les épouses des marchands assyriens
assument les charges de l´entreprise familiale en l´absence de
l´époux, tout indique un statut secondaire par rapport à  l´homme,
à  travail égal le salaire peut être inférieur de moitié et même
si la femme esclave peut accroître par ses enfants l´importance de
la domesticité, son prix d´achat reste inférieur de 30 à  50% à
celui d´un homme. Déjà  le plafond de verre, rien de nouveau sous
le soleil de la méditerranée. Véronique Grandpierre détaille le
statut personnel en termes de mariage, dot et virginité en
bandoulière, la législation du divorce, pas forcément défavorable
aux femmes, l´interruption de grossesse punie de mort, l´adultère
aussi selon les circonstances, sauf pour l´homme s´il peut
prouver qu´il ignorait la qualité d´épouse de la victime,
notamment. Je n´entre pas dans les détails de distinction sociale,
selon qu´il s´agit d´une bourgeoise, d´une poissarde ou d´une
esclave, mais même dans ce dernier cas une législation appropriée
prévoyait pour l´infraction sa sentence graduée et équilibrée,
selon les critères de l´époque évidemment.

Et l´amour, le plaisir, dans tout ça
? D´après Véronique Grandpierre, « dans le Proche-Orient
antique, la femme prend une part active aux jeux du sexe ». La
littérature érotique liée au mariage sacré insiste sur
l´excitation sexuelle de la jeune fille, gage de fécondité
heureuse.

Et même si la peinture de l´amour et
des sentiments est plus rare dans les documents dont nous disposons
et le plus souvent évoquée par la métaphore du miel, un recueil de
diagnostics décrit des symptômes inamovibles dans les siècles des
siècles P. 233

Jacques Munier

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