Les cités étrusques

CITES
et DODECAPOLES ETRUSQUES

par Jean-Claude Daumas, Historien – pour Latine Loquere

Comme les Grecs, les Etrusques étaient
structurés en cités : il n´y a jamais eu d´Etat étrusque,
comme il y aura un Etat romain dirigeant l´ensemble du monde
romain.

DES CITES-ETAT

La cité étrusque – ou spura,
équivalent de la polis grecque “ correspond à  une
communauté de citoyens vivant sur un territoire avec une ville
chef-lieu.

Un territoire qui
a pu évoluer dans le temps et imossible à  délimiter avec
précision : Caeré et Tarquinia revendiquaient les monts
métallifères de Tolfa. Chaque chef-lieu était relié aux
agglomérations secondaires par une route parfois creusée dans le
tuf. En revanche, pas de route entre les chefs-lieux de cités, image
de leur indépendance.

L´émergence des
cités a lieu aux VIIIème et VIIème siècles, l´organisation
villanovienne en villages étant remplacée par des villes : dès
750, Tarquinia avait regroupé les villages voisins.

La fondation d´une
ville étrusque suit un rituel précis :

– Creusement du
sillon primordial (sulcus primigenius) par une charrue (cf la
statuette en bronze du Laboureur d´Arezzo) attelée à  une
vache et un bœuf d´un blanc immaculé, afin de délimiter un
espace sacré (pomoerium) : une portion de sol désormais
sous la protection des dieux.

– Plan
orthogonal : rectangle orienté nord-sud, axe du cardo
qui coupe à  angle droit l´axe est-ouest du decumanus,
déterminant ainsi un plan en damier. Sous le carrefour central était
enfoui dans un puits (mundus) un ex-voto pour faciliter la
communication entre divinités célestes et souterraines. Ce plan
orthogonal reste théorique car la topographie et l´histoire des
villes étrusques ne permet pas forcément son application
rigoureuse.

Les cités
étrusques, jalouses de leur indépendance, n´ont jamais conclut
d´alliance générale ; la véritable unité du monde étrusque
fut la langue et la religion.

DE LA MONARCHIE A LA REPUBLIQUE ?

Le modèle romain semble applicable à
l´évolution politique des Etrusques.

VIIIème à  VIème siècles :
un système monarchique avec un roi comme Porsenna à  Chiusi, sans
oublier les 3 fameux rois étrusques de Rome. Il est peu probable que
lucumon soit le titre que portaient ces souverains, Lucumon
étant plutôt un nom propre, celui du futur Tarquin l´Ancien.
Des palais royaux sont connus à  Acquarossa et Murlo entre milieu
VIIème et milieu VIème siècles.

A partir de 500 :
établissement de « républiques » à  la place de la
royauté. Exemples : le roi de Cerveteri est chassé vers 450
par Spurrina ; les palais de Acquarossa et de Murlo sont
détruits fin VIème siècle.

En réalité, ce
sont uniquement les membres des grandes familles “ une aristocratie
apparue dès le VIIIème siècle – qui accaparent le pouvoir
(magistratures, fonction religieuse d´haruspices) créant ainsi un
système oligarchique et non une démocratie. La société a pourtant
changé avec l´essor de « classes moyennes » d´artisans
et de commerçants, visible dans les nécropoles égalitaires comme
celle de Volsinies. Les tombes sont toutes semblables avec le nom du
défunt inscrit sur le linteau de la porte d´entrée, montrant
ainsi l´existence d´une centaine de familles différentes à  côté
des quelques familles aristocratiques de la cité. Parfois,
s´appuyant sur ce « peuple », apparaît un « tyran »
dans sa définition grecque : dictateur qui gouverne au nom de
la population ; c´est le cas deVéies en 403 ou à  Vulci avec
Mastarna.

Les magistratures
de cette république aristocratique sont bien attestées sans
qu´on puisse préciser vraiment leur fonction. Elles formaient
probablement un cursus honorum à  la romaine par leur
hiérarchie : maru (la moins importante), purth,
marones, zilath ou magistrature suprème éponyme (le
zilath donne sont nom à  l´année comme les consuls romains).

Les insignes de
pouvoir des rois ou des magistrats seront reprises par les Romains :
couronne d´or, sceptre d´ivoire surmonté d´un aigle et toge
pourpre pour le triomphateur ; siège curule, toge bordée de
pourpre et faiceaux de licteurs.

UNE OU TROIS DODECAPOLES ?

Les auteurs grecs et romains indiquent
souvent l´existence de dodécapoles (ligues de 12 cités) en
Toscane mais aussi en Campanie et dans la plaine du Pô, mais sans
jamais en donner la composition …

Pour la dodécapole de Toscane
(l´Etrurie proprement dite) il y a accord pour les VIIème-VIème
siècles sur 11 noms : Véies, Cerverteri, Tarquinia, Vulci,
Vetulonia, Volterra, Volsinies, Chiusi, Cortone, Pérouse, Arezzo. La
douzième cité était peut-être au départ Fiésole car Pise,
Populonia et Roselle, avant-ports de cités, ont pris de l´importance
plus tardivement. Sur les 3 à  5 siècles d´existence de la
dodécapole, des changements ont eu lieu : Véies, passée
définitivement sous la domination romaine en 396, a dû être
remplacée ; Roselle aurait pu succéder à Vetulonia, les deux
cités étant très proches l´une de l´autre.

Seul élément d´unité : la
réunion annuelle au sanctuaire fédéral du Forum Voltumnae,
plaine en contrebas de Volsinies (Orviéto) où des fouiles depuis
2000 au Campo della Fiera ont mis en évidence des édifices
sacrés. Cette assemblée panétrusque “ à  comparer aux jeux
panhelléniques (ceux d´Olympie étant les plus connus mais pas les
seuls) était marquée avant tout par des cérémonies religieuses,
des jeux sportifs et scéniques, sans oublier la « foire »
commerciale sucitée par la présence des riches délégués des 12
cités. Par contre, aucune décision politique comme une alliance
entre cités face à  un danger commun (Rome par exemple) n´a jamais
été prise en ce lieu dédié à  Voltumna, autrement dit
Tinia, le plus important des dieux étrusques.

La dodécapole campanienne est facile
à  cerner avec une capitale Capoue – ville « étrusque »
de façon continue du IXème au Vème siècles avec le Fanum à
4 km – et des cités proches : Nola, Calatia, Pompéi,
Herculanum, Stabies, Nuceria, Suessula, Pontecagnano, Marcina.

La dodécapole padane est moins
évidente : la plaine du Pô colonisée aux IXème-VIIIème
siècles (recherche de terres) ne s´est vraiment développée qu´au
VIème siècle avec l´essor du commerce par la mer Adriatique. La
capitale en est Felsina (Bologne) avec pour port Spina, fondé au
VIème siècle dans le delta du Pô. Autres cités : Marzabotto
(la plus connue par des fouilles archéologiques), Adria (l´autre
port du delta), Mantoue, Verruchio, peut-être Melpum (Milan) ?

A propos Robert Delord

Enseignant Lettres Classiques (Acad. Grenoble) Auteur - Conférencier - Formateur : Antiquité et culture populaire - Président de l'association "Arrête ton char !" - Organisateur du Prix Littérature Jeunesse Antiquité

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