On a testé pour vous : la conférence d’archéologie de la BNF et de l’INRAP sur Marseille romaine
Parmi les nombreuses conférences publiques d’archéologie offertes au public par la Bibliothèque nationale de France (BNF) sur ses sites Richelieu et François-Mitterrand (Tolbiac), nous vous relatons aujourd’hui celle du 5 mars 2025 sur Marseille romaine, qui s’inscrit dans un cycle de 6 conférences d’archéologie romaine au 1er semestre 2025. Les autres conférences portent sur : la collection d’antiques de l’École française de Rome (qui fête cette année son 150ème anniversaire), sur Pompéi, sur une villa en Dalmatie, sur Ostie et sur Timgad (en Algérie).
Introduite par Pauline Darléguy, conservatrice de bibliothèques, en charge des collections imprimées en préhistoire, histoire ancienne et archéologie à la BNF, la conférence a été présentée par Marc Bouiron, directeur scientifique et technique de l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap) et ancien archéologue en chef de la Ville de Marseille et par Philippe Mellinand, ingénieur de recherche à l’Inrap.
Compte tenu de sa captation (lien à venir prochainement) publiée par la BNF, cet article met en exergue plusieurs points de la conférence sans en constituer une recension complète.
Passionnante, à la fois dense et accessible, remarquablement bien documentée, la conférence a permis de synthétiser les enseignements des fouilles réalisées depuis les années 1960 à Marseille (quartiers de l’Alcazar, de la Bourse, de la Major et du Panier, Place du Général de Gaulle, Vieux-Port, Hôtel-Dieu…) et dans ses alentours et de dresser un portrait précis de la plus ancienne cité de France.
Marseille fut d’abord et longtemps grecque…
Les conférenciers sont logiquement revenus sur la Marseille grecque, Μασσαλία, fondée en 600 avant notre ère par des Phocéens, sur un site inoccupé, à proximité des Celtes Ségobriges, avec lesquels ils firent alliance ; Prôtis, chef de l’expédition phocéenne, épousa Gyptis, fille du roi Nannos.
À propos des origines de la cité, signalons que Pauline Darléguy a consacré à L’arrivée des premiers Marseillais l’édition d’octobre 2024 de l’Image du mois BNF Collections Gallica. Son article fortement documenté éclaire à la fois la naissance de Marseille et les progrès archéologiques menés depuis un siècle et demi sur le territoire de ce qui fut longtemps surnommé une « Ville antique sans antiquités », à la différence d’Arles, de Nîmes ou de Lyon.
… avant d’être romanisée, sans perdre sa spécificité
Grecque à l’origine, Marseille prospère pendant cinq siècles et demi avant son rattachement, en 49 avant notre ère, à la province romaine de Narbonnaise. Elle est un remarquable vecteur d’hellénisation des populations celtes riveraines de la Méditerranée, grâce aux comptoirs fortifiés qu’elle fondera à son tour d’Ampurias jusqu’à Monaco, et plus en profondeur le long des routes commerciales. Elle héritera de cette période fondatrice l’essentiel de sa physionomie urbaine jusqu’à la fin du Moyen-Âge.
Marseille fut aussi, dès sa fondation, une alliée de Rome, y compris pendant les Guerres puniques, sur la route de l’Espagne. C’est à l’appel des Marseillais que les Romains investiront la Provence, soumettant les Celtes Salyens qui menaçaient la cité phocéenne et fondant en 122 avant notre ère Aquæ Sextiæ (Aix-en-Provence) dans l’hinterland massaliote. Μασσαλία prit ensuite le parti de Pompée mais, à l’issue d’un siège victorieux, César réserva un traitement clément à la cité, alliée de longue date des Romains. Devenue Massilia, elle restera un brillant foyer de culture et d’hellénisme au point que d’après Strabon, de jeunes patriciens de Rome la fréquentaient plutôt qu’Athènes pour perfectionner leurs études.
L’urbanisme de Massilia
Photo personnelle, avec l’autorisation de la BNF
Bâtie sur trois collines au nord du Lacydon, port naturel remarquablement abrité et économiquement très actif, Marseille s’étendra surtout vers l’est et le nord, tout en conservant ses centres névralgiques. A noter également : une zone artisanale au sud du Lacydon, des nécropoles le long des routes à l’extérieur de la cité et des fermes (culture de la vigne et de l’olivier, introduits par les Phocéens) dans le territoire attenant à la ville. Durant l’Antiquité tardive, Massilia a plutôt bien résisté à la décomposition de l’Empire romain, recueillant même des Gallo-romains en provenance du Nord de la Gaule.
Marseille s’étant sans cesse sur elle-même, sur ses propres édifices (par exemple, le forum par-dessus l’agora) et en réemployant les matériaux de construction, l’archéologie y demeure compliquée, au-delà du fait qu’elle est largement tributaire des chantiers d’urbanisme. Le théâtre grec n’a été découvert qu’en 1945 ; le tracé du rempart de la Marseille romaine n’a ainsi pu être identifié qu’en 1967. Fort heureusement, les connaissances accumulées sur Marseille sont aujourd’hui importantes et il subsiste encore de nombreux matériaux archéologiques recueillis à exploiter.
La conférence fut illustrée par de nombreuses cartes et vues des fouilles et des vestiges et par plusieurs aquarelles de reconstitution signées de l’archéologue et dessinateur Jean-Claude Golvin, dont ce dessin panoptique de la cité à l’époque romaine et ce dessin de la corne du port.
Une fois encore, un grand merci à la BNF et à l’Inrap pour ces événements de médiation culturelle autour de l’archéologie, qui sont à la fois de grande qualité et tout à fait accessibles.
Pour aller plus loin :
- La page du site de la BNF consacrée à la conférence Marseille romaine
- La captation de la conférence Marseille romaine (à venir prochainement)
- L’arrivée des premiers Marseillais (Image du mois BNF Collections Gallica octobre 2024)
- La bibliographie établie par la BNF sur Marseille romaine
- La carte des sites archéologiques fouillés à Marseille avant 2013 (Musée d’Histoire de Marseille)
- Le cycle de conférences BNF d’archéologie romaine au 1er semestre 2025