Comme j’ai déjà eu l’occasion de le faire remarquer dans une conférence intitulée “Star Wars et l’Histoire romaine”, la saga Star Wars s’inspire de l’Histoire antique et de nombreuses mythologies.
La dernière série tirée de la franchise Star Wars par les studios Disney, Ahsoka, ne déroge pas à la règle. Même si la série est encore en cours de diffusion et que tous les épisodes n’ont pas encore été dévoilés, je vous propose de lister ici quelques unes des références directes ou indirectes à l’Antiquité qui émaillent cette première saison centrée sur le personnage d’Ahsoka Tano, jeune Jedi qui fut la padawan d’Anakin Skywalker au début de la Guerre des clones, avant sa transformation en Dark Vador.
Commençons par deux références un peu anecdotiques. La saga Star Wars réemploie en effet assez souvent des noms latins pour baptiser ses personnages et ses vaisseaux spatiaux (cf. conférence “Star Wars et l’Histoire romaine”). C’est le cas d’Hera Syndulla, l’impétueuse générale de l’alliance rebelle qui va prêter main forte à Ahsoka Tano tout au long de cette première saison. Jusque-là, rien de vraiment surprenant.
Un autre nom bien connu des aficionados de la saga se fait entendre dès le premier épisode de cette saison 1 d’Ahsoka. Il s’agit de Fulcrum. Fulcrum était le titre utilisé par les informateurs rebelles quelques années avant la bataille de Yavin. Ahsoka Tano, à l’origine de la création de ce rang, porta ce titre comme surnom notamment dans la série d’animation Star Wars Rebels. Le fulcrum a d’ailleurs son propre logo dans l’univers Star Wars.
Petite originalité dans la série éponyme, ce n’est pas Ahsoka Tano qui est appelée Fulcrum, mais son vaisseau spatial baptisé Corvette Fulcrum. On notera que la Jedi a changé de vaisseau entre la série d’animation et la série en live action.
Pour ce qui est du choix de ce nom latin pour désigner les informateurs ou les vaisseaux rebelles, Gaffiot ne nous est pas d’une grande utilité puisque ce nom, comme bien d’autres dans la saga, a certainement été choisi uniquement pour sa sonorité antique.
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– – – – – – ATTENTION : ALERTE DIVULGÂCHAGE – – – – – –
Si vous n’avez pas encore vu l’épisode 6 de la série “Ahsoka”, sachez que les lignes suivantes risquent de divulgâcher certains éléments. Il est encore temps de fermer cette page.
Dans ce sixième épisode, Morgan Elsbeth, la méchante de l’histoire, accompagnée de ses deux Jedi mercenaires, parvient enfin à rejoindre le Grand Amiral Thrawn qui avait été envoyé en exil dans un endroit secret de la galaxie. Ce lieu d’exil, c’est la planète Peridea. Peridea, c’est aujourd’hui le nom scientifique de toute une famille de papillons appelée Pieridae, ou Piérides, l’autre nom des neuf muses de la mythologie grecque.
Sur la planète Peridea, Morgan Elsbeth est accueillie par trois personnages féminins vêtus de longues robes pourpre que Morgan Elsbeth appelle d’abord “Matriarches”, tandis que la jeune Jedi mercenaire, Shin Hati, les traite de “sorcières”. Un peu plus loin, on comprend que les trois femmes maîtrisent ce qu’elles appellent elles-mêmes “le fil de la destinée”. Ces femmes originaires de la planète Datomir surnommées les Soeurs de la Nuit Nightsisters), sont en fait une transposition dans l’univers Star Wars, des Moires grecques, divinités du Destin, qui chacune à leur tour, tissait, déroulait, puis coupait le fil de la vie de chaque mortel.
Les Soeurs de la Nuit de Star Wars se nomment, sans grande originalité, Klothow, Lakesis, et Aktropaw, soit une simple adaptation des noms des Moires grecques Clotho (Κλωθώ, « la Fileuse »), Lachésis (Λάχεσις, « la Répartitrice ») et Atropos (Ἄτροπος, « l’Inflexible ») que l’on peut voir et dont on peut lire le nom en majuscules grecques sur la droite de la mosaïque ci-dessous.
Après un accueil somme toute assez glacial par les Soeurs de la Nuit, Morgan Elsbeth rencontre enfin le Grand Amiral Thrawn qui arrive avec ses troupes à bord de son croiseur impérial.
La première chose qui frappe lors du passage en revue des troupes de l’Amiral Thrawn, c’est que nous avons bien à faire à des stormtroopers impériaux mais que l’armure de ces derniers a une petite particularité. En effet, alors que nous sommes habitués à la blancheur quasi immaculée des armures des stormtroopers de la période impériale, nous avons droit ici à des soldats dont les armures sales ont visiblement été réparées à de nombreuses reprises et dont les fissures ont été colmatées à l’aide d’un matériau doré.
Une fois la surprise passée pour les fans de Star Wars – car nous sommes aussi habitués à la blancheur des stormtroopers qu’à celle des temples grecs et romains dans les péplums américains – on ne peut s’empêcher de trouver l’idée assez bonne et le résultat visuellement réussi. En effet, il faut bien garder à l’esprit que nous sommes de nombreuses années après la défaite de l’Empire, sur une planète déserte au fin fond de la galaxie : difficile donc d’assurer la maintenance du matériel de l’ex-armée impériale.
D’autre part, on peut voir dans ces marbrures dorées une nouvelle référence à la culture japonaise qui a beaucoup inspiré Georges Lucas. Pour ce qui me concerne, j’y vois un beau clin d’oeil à l’art japonais du kintsugi (金継ぎ?, « jointure en or ») qui consiste en une réparation très soignée des objets à l’aide d’une résine dorée à la poudre d’or qui prend en compte l’histoire de l’objet et les accidents qu’il a pu subir et en même temps témoigne de son passé.
Casque Romain à visage début du Ier siècle après J.-C., original exposé à New–York, reproduit d’après un exemplaire intact retrouvé en Bulgarie.
À la tête de cette armée de stormtroopers qui portent sur eux les traces de la chute de l’Empire, se trouve le capitaine Enoch, facilement reconnaissable à son casque muni d’un masque en or représentant un visage humain. Là encore, Star Wars joue sur la multiplication des références à des cultures historiquement et géographiquement très éloignées.
On peut bien sûr y voir un rappel des armures de samouraïs dont Georges Lucas s’est inspiré pour les costumes de Jedi, et celui de Dark Vador lui-même
Pour ma part, compte tenu du matériau doré employé, j’y vois plutôt une référence antique occidentale que je situerais entre la tradition celtique et gréco-romaine du masque funéraire (cf. masque en or dit d’Agamemnon découvert à Mycènes) et les quelques exemplaires connus de masque de cavaliers romains à visage (le plus célèbre est conservé au Metropolitan Museum).
Encore une fois, la franchise Star Wars fait du neuf avec de l’ancien en puisant aux sources de toutes les cultures et de toutes les mythologies.
Cet article a vocation à être enrichi au fur et à mesure de la diffusion des prochains épisodes. N’hésitez pas à me faire part de vos remarques et observations.
Utinam vis vobiscum sit !