Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes.
Aujourd’hui, une même activité, déclinée au collège et au lycée, vous propose de créer des chimères. En effet, les lycéens latinistes sont tout aussi friands d’activités ludiques que les collégiens et dans le cadre du programme de LCA en seconde, le thème de “l’homme et l’animal’ offre de nombreuses possibilités de mise en pratique. Allons à la rencontre de deux professeures : Julie Wojciechowski, dans l’académie de Lille, a mené cette activité au collège, et Mariane Ros-Guézet, dans l’académie de Toulouse, au lycée.
En Bref
Bonjour, pouvez-vous nous présenter en quelques mots l’activité “Finge Chimaeram tuam” ?
Julie Wojciechowski : En tout début de cinquième, il me semble important d’entrer au plus vite dans la langue, c’est pourquoi une activité d’invention permet de répondre à un besoin de l’élève qui débute une langue même ancienne : la parler, l’écrire. La première séquence de l’année s’appelle « Cave animalia ». Les élèves découvrent la prononciation et la syntaxe latines.
Mariane Ros-Guézet : Dans le cadre de ma séquence “l’homme et l’animal” du programme de LCA en seconde, les élèves devaient réaliser une chimère, un assemblage de différents animaux, soit en la dessinant, soit en faisant un collage de bouts d’animaux mis à leur disposition. Ils devaient ensuite indiquer par des flèches les différentes parties du corps de leur chimère puis écrire une petite description en latin.
Avec quelle classe l’avez-vous menée ?
Julie Wojciechowski : Cette activité a été menée avec 20 latinistes de cinquième débutants au collège Jacques Prévert de Houdain.
Mariane Ros-Guézet : J’ai réalisé cette activité avec mes 25 latinistes de 2de au lycée Pierre Bourdieu à Fronton. Ma collègue et moi-même avons eu la chance cette année d’avoir de nombreux élèves inscrits et très motivés.
Aux origines du projet
Quelle est la genèse de ce projet ?
Mariane Ros-Guézet : Je cherchais une activité ludique pour changer des textes sur “L’Homme et l’animal”. J’ai cru me souvenir avoir vu sur le site ATC et dans le groupe Facebook des ressources pour fabriquer sa chimère. En fouillant, j’ai trouvé des morceaux d’animaux à découper et à coller, gracieusement numérisés par une collègue géniale, Claire van Beek, qui m’inspire encore et toujours pour faire mes cours. N’ayant pas trouvé de consignes ou d’activités toutes faites, j’ai décidé de le faire moi-même.
Julie Wojciechowski : Nous avons les mêmes sources d’inspiration ! Le site ATC et le groupe d’entraide sont très inspirants. Une fois que chacun a eu son animal totem, les élèves se sont mis par binômes, et c’est ainsi que la rencontre entre les deux animaux s’est faite.
Quels objectifs vous étiez vous donnés ?
Julie Wojciechowski : L’an dernier j’avais restreint les premières observations aux 1ère et 2ème déclinaisons pour les débutants en cinquième, mais cette année, comme je m’appuie sur les animaux, nous avons observé les 3 premières déclinaisons, qu’ils doivent savoir reconnaître dans un premier temps. Jongler avec 3 déclinaisons, les classer, ne pose pas de problème pour le moment.
Grâce à l’activité, ils ont observé et appliqué les différences de terminaison entre nominatif et accusatif, accordé les adjectifs. Les élèves retiennent facilement des raccourcis (–a féminin –us masculin, et –m COD/accusatif) sur lesquels il faudra revenir. Je dois introduire l’attribut du sujet qui est largement méconnu. J’ai l’impression qu’ils fixent les terminaisons verbales aussi en observant les ressemblances avec ESSE qui a déjà été vu.
Mariane Ros-Guézet : Je voulais que les élèves réutilisent le vocabulaire animalier que nous avions appris à travers les textes de la séquence sur “L’Homme et l’animal” et qu’ils l’appliquent sur leur création. Durant l’activité, ils ont également appris le vocabulaire des parties du corps et à faire du thème.
Faber fit fabricando
Qu’ont-eu à faire les élèves avant l’activité ?
Julie Wojciechowski : Les élèves de cinquième ont appris à prononcer le latin à l’aide d’un abécédaire des animaux. J’ai repris l’idée qu’a mise en œuvre Robert Delord dans cette vidéo. Ils vont utiliser le vocabulaire.
Pour les verbes, je ne parle pas encore du classement des verbes par conjugaison, tout est au présent au début, mais j’insiste sur les personnes. On a manipulé à l’oral -o, -s, -t grâce à des jeux de rôle. Ils ont chacun un animal totem (sous forme d’un thaumatrope).
Je m’adresse à eux en tant qu’animal :
« Quale animal es ?
– (Ego) canis sum. Et tu ?
– … »
Et la parole circule dans toute la classe, tous prononcent. Assez vite, on différencie nom et verbe.
Mariane Ros-Guézet : Les élèves de seconde, quant à eux, n’ont pas eu de préparation spécifique puisque l’activité reprenait tout le vocabulaire et les expressions qui ont été vus en cours.
Qu’ont-eu à faire les élèves pendant l’activité ?
Mariane Ros-Guézet : Les élèves recevaient une fiche de consignes et une feuille A3 blanche. Ils devaient également consulter régulièrement le cours pour mener à bien l’activité. Ils avançaient ainsi à leur rythme en suivant les 3 étapes de la fiche de consignes : dessiner la chimère, indiquer les différentes parties du corps en latin et écrire la description de la chimère en latin.
Julie Wojciechowski : Mêmes consignes que Mariane (les élèves dessinent leur chimère, la décrivent en latin), mais pas le même support. Ils ont à disposition une banque de vocabulaire et d’expressions déjà déclinées : ils piochent la forme dont ils ont besoin. On ne manipule que nominatif et accusatif. Je traite les déclinaisons cas par cas. La première séance a déjà amené le nominatif sans le nommer. Il fallait donner un nom à leur monstre aussi, en mélangeant les noms des animaux en latin. Par exemple, ursus + vacca a donné Vrsca.
Quel a été le rôle du professeur pendant l’activité ?
Julie Wojciechowski : Je les aidais à développer, et leur donnais souvent du vocabulaire en plus quand c’était nécessaire, car pris dans leur élan, des élèves ont eu des idées que je n’avais pas anticipées. Je ne les ai pas bridés pour le vocabulaire, un peu plus pour la syntaxe. L’accord de l’adjectif a été expérimenté pendant la rédaction.
Mariane Ros-Guézet : Je passais de rang en rang pour vérifier que les consignes étaient bien comprises et pour aider les élèves en difficulté. J’écrivais souvent au tableau le vocabulaire qui manquait et qui concernait tout le monde. Je prenais beaucoup de temps à donner le vocabulaire manquant et à corriger le latin du thème.
Les élèves ont-ils gardé une trace écrite ?
Mariane Ros-Guézet : Les élèves qui le souhaitaient ont vu leurs œuvres exposées au CDI. Les autres gardaient leurs créations. Il n’y avait pas d’autre trace écrite à part le vocabulaire donné et noté sur la fiche de consignes.
Julie Wojciechowski : Toutes les chimères et leurs descriptions ont été compilées. J’ai aussi transformé leur création en un jeu de cartes Memory.
Memory Chimères 5LCA à imprimer
Et un genial.ly pour replacer les chimères dans leur élément (air, eau, terre).
Quelle implication des élèves ?
Julie Wojciechowski : Ils ont été très motivés, je l’ai constaté par les résultats obtenus dès ce 3ème cours de latin de l’année. Ils ont eu besoin d’apprendre et de comprendre le fonctionnement de la langue latine pour écrire.
Mariane Ros-Guézet : Tous les élèves se sont impliqués, quel que soit leur niveau en latin ou en dessin. J’avais en effet offert la possibilité aux élèves mal à l’aise en dessin de faire des collages à partir des bouts d’animaux que j’avais imprimés et j’aidais plus ou moins les élèves en thème en fonction de leur niveau en latin.
On fait le bilan
Quel est le ressenti du professeur ? des élèves ?
Mariane Ros-Guézet : J’ai passé un bon moment à faire cette activité avec les élèves qui se sont énormément investis et ont créé des choses magnifiques. Je suis quand même ressortie épuisée de cette activité pendant laquelle j’ai fait beaucoup de va-et-vient pour aider les élèves.
Julie Wojciechowski : C’est un premier contact avec la langue satisfaisant pour le professeur et enthousiasmant pour les élèves. Cela aide à entrer dans le texte latin par la suite, les élèves sont décomplexés.
Les élèves ont la parole :
Les collégiens :
J’ai beaucoup aimé le projet de début d’année. J’aimerais beaucoup le refaire l’année prochaine mais en plus dur. _ Capucine
J’ai beaucoup apprécié cet exercice car il est simple à comprendre, dès le début de l’année j’ai su comprendre la majorité des mots. Cet exercice m’a aidée à apprendre beaucoup des mots et mélanger deux animaux est très drôle. _ Louise
J’ai dessiné une vache/ours et après je l’ai décrite avec des mots en latin que j’ai pu découvrir durant l’activité. Je suis très satisfaite. L’exercice de latin était très créatif et l’exercice m’a appris des mots que je ne savais pas forcément employer. J’ai bien aimé. _ Léa
Au début, j’ai pensé que le défi de mélanger deux animaux pour créer une chimère allait être difficile parce que j’avais à associer un ours et une vache, mais je l’ai fait ! Au final, j’ai fait un ours avec un pelage de vache. Pour faire le paragraphe, j’ai cherché où il pouvait vivre, ce qu’il pouvait manger… Voici comment j’ai créé Vrsca. _ Julien
Les lycéens :
J’ai adoré participer à cette activité et c’est sûrement celle que j’ai préféré faire de toute mes années de lycée! On a pu laisser place à notre créativité en créant tout de A à Z (le choix des animaux, les couleurs et même l’histoire de la créature). Etant une grande fan de fantaisie et de fantastique, le projet m’a beaucoup passionné ainsi que sa réalisation, nous avons pu échanger entre nous (la classe), nous aider mutuellement et la professeure nous a beaucoup aidé pour nous donner son avis et nous conseiller! J’espère pouvoir refaire une activité similaire! _ Clara
Pour ma part, j’ai adoré cette activité sur les chimères. Je suis une personne qui n’aime pas qu’on lui dise quoi faire alors créer cette chimère comme on le voyait, pouvoir lui donner les caractéristiques de notre choix, c’est une activité vraiment apaisante où on peut se lâcher et faire ce que nous voulons comme nous le voulons. J’ai beaucoup apprécié cela. _ Lou
Quelle “évaluation” pour savoir si les élèves ont compris ?
Mariane Ros-Guézet : L’activité était évaluée pour elle-même, il n’y avait donc pas besoin de retour supplémentaire.
Julie Wojciechowski : Leurs créations elles-mêmes ont servi de support à une évaluation : l’objectif était de retrouver la chimère correspondant à la description. C’est à ce moment-là qu’ils ont découvert les travaux des camarades.
Y-a-t-il eu des difficultés, des surprises ?
Julie Wojciechowski : La principale difficulté était de choisir les bonnes terminaisons. C’est un travail nouveau.
Mariane Ros-Guézet : J’ai remarqué que beaucoup d’élèves ont eu du mal à comprendre les consignes et particulièrement à écrire la description de leur créature en latin. Je n’avais donné ni vocabulaire ni texte à trous sur la fiche de consignes et beaucoup d’élèves ont été perdus. J’ai donc imprimé après coup une trame de texte à compléter pour les élèves les plus en difficulté.
Pensez-vous mener cette activité à nouveau ?
Julie Wojciechowski : Sans hésiter ! Aussi parce que les élèves le réclament et que c’est très formateur pour vérifier en contexte si les élèves ont compris le fonctionnement de la langue, je continuerai avec eux les travaux d’invention et de thème.
Mariane Ros-Guézet : Oui, je recommencerai, c’est certain ! Je vais évidemment changer des choses. Je rajouterai le vocabulaire des parties du corps directement sur la fiche de consignes et je donnerai une trame de texte à tous les élèves, quitte à ce que les bons élèves ne l’utilisent pas. Cela me fera également moins de travail lors de l’activité.
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Pour aller plus loin…
Découvrez les réalisations de la classe de 5ème LCA de Mme Ollivier :
Grâce à cette séquence proposée ici, mes élèves ont rapidement pris du plaisir à entrer dans l’apprentissage du latin. Pour mon évaluation finale, je leur ai proposé de créer leur chimère en 3D grâce à de la pâte autodurcissante. J’ai pris chaque chimère en photo sur un fond noir. Je les ai imprimées. Les élèves ont collé leur 2 chimères sur un format A5 de manière à ce qu’elles puissent parler ensemble. J’ai à nouveau photocopié ce A5 en 4 exemplaires pour pouvoir les coller sur une feuille A3 grâce à laquelle j’ai pu faire mon évaluation finale de séquence.
Mes consignes: réutilisez les phrases vues en classe pour faire parler les chimères entre elles (4 thèmes de discussion différents)
Mon barème d’évaluation : propreté /2, phrases en latin /8, travail de groupe /4, illustrations/4, originalité, créativité /2
https://www.calameo.com/books/007056582078ff9e40b4d
Pour créer une chimère rapide à l’aide du numérique, Claire van Beek propose d’utiliser le site https://switchzoo.com/newzoo/zoo.htm et nous accompagne dans ce tutoriel :
Si vous souhaitez poser des questions à Mariane Ros-Guézet et à Julie Wojciechowski, n’hésitez pas à nous contacter, nous les leur ferons suivre.
Si vous souhaitez vous aussi raconter un de vos cours, n’hésitez pas à prendre contact avec nous !