Arrête ton char Langues & Cultures de l'Antiquité
Pour Arrête ton char !, je suis allée à la rencontre de Guillaume Diana, professeur de Lettres classiques au collège Auguste Renoir d’Asnières-sur-Seine (92), que vous connaissez peut-être sous le pseudonyme @le_prof_de_latin_grec.
Pour mémoire, vous pouvez retrouver notre entretien pédagogique Prat’hic #23 : Affiche ton étymologie !
Aujourd’hui, c’est au créateur du podcast “Par le Petit Bout du Mythe” que je m’adresse.
Arrête ton char ! : Bonjour Guillaume Diana, avant d’entrer dans les secrets de fabrication des podcasts, nous voulons en savoir un peu plus sur votre parcours : pouvez-vous nous décrire votre rencontre avec la mythologie ?
Guillaume Diana : J’ai du mal à me souvenir exactement quand j’ai découvert la mythologie. Ce qui est certain, c’est que mes institutrices à l’école primaire y sont pour beaucoup. Certaines nous fascinaient avec ces histoires aux rebondissements infinis. Ensuite, mes enseignantes de latin au collège ont beaucoup contribué à la confrontation aux mythes et à l’idée qu’il n’y avait pas une seule version de chaque mythe. Déjà, cette particularité m’intriguait.
Mais surtout, c’est à l’université que j’ai découvert une version plus sérieuse de la mythologie en suivant les cours de Jean-Christophe Courtil et de François Ripoll à l’Université Toulouse-II Jean-Jaurès (ex-Mirail). Le premier liait récits et iconographies afin de les faire dialoguer, le second exploitait les textes littéraires pour raconter la mythologie. Et c’est seulement aujourd’hui que je vois à quel point leurs enseignements ont porté leurs fruits !
ATC : Comment choisissez-vous les thèmes que vous abordez dans les podcasts ?
Guillaume Diana : Le premier sujet du podcast est Aristée : j’ai choisi ce personnage puisqu’il est justement très méconnu et il m’a servi à calibrer mes recherches et mon écriture. On le voit comme un personnage très anecdotique dans le mythe d’Orphée et d’Eurydice, puisqu’il est la cause de la mort de cette dernière. Mes souvenirs de préparation à l’agrégation m’ont fait penser aux Géorgiques de Virgile dans lequel il fait renaître les abeilles à partir d’un corps de bœuf en putréfaction. En faisant quelques recherches sur ce héros, j’ai découvert plusieurs facettes que je ne connaissais pas, notamment son lien de parenté avec Actéon, puisqu’il en est le père, et surtout sa participation à l’épopée de Dionysos au sein des armées que le dieu lance contre les Indiens. C’est l’occasion de citer un auteur si méconnu, mais dont l’œuvre est conséquente : Nonnos de Panopolis, qui a composé Les Dionysiaques.
Pour écouter ce premier podcast : Aristée, ou la renaissance des abeilles
Depuis ce premier épisode, je m’attache aux personnages qui apparaissent dans certains mythes dont je parle en classe, ou des histoires qui m’ont particulièrement touché : le mythe d’Alceste reste pour moi le plus beau, notamment au travers de la pièce d’Euripide.
L’épisode sur Talos m’a aussi servi de test : le mythe autour de ce personnage reste assez bref, et j’ai donc essayé de parler du mythe des âges et, surtout, des automates dans la mythologie qui sont bien plus nombreux que l’on ne l’imagine.
Dans tous les cas, il me semble vraiment important d’éviter les “grands personnages”, afin de leur consacrer à un moment un format spécial. J’hésite donc toujours à traiter l’histoire de Minos, connu surtout pour sa place de roi et beau-père du Minotaure. Certaines personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux me donnent des idées intéressantes de personnages à traiter. La mythologie est un vivier presque infini !
ATC : On invite nos lecteurs à vous écrire alors, pour vous faire des suggestions ! Comme vous le disiez les mythes ont tendance à se rejoindre, Ariane et Dédale vont se rencontrer, vous nous éclairez sur ces ponts, n’est-ce pas ?
Guillaume Diana : Exactement ! Je cours après le temps en classe, avec mes élèves, lorsque je raconte les mythes : la matière est dense et les élèves sont demandeurs. Prendre le temps d’un épisode me permet de replacer les liens entre les personnages, parfois des liens narratifs, parfois des liens généalogiques.
Pendant mon Master, j’avais même le projet de créer une chronologie relative de la mythologie, afin d’éclaircir les problèmes de génération : Héraclès a vécu une génération avant la guerre de Troie, et Persée deux avant Héraclès… Pourtant, on a l’impression que tout ce beau monde pouvait se croiser au détour d’une aventure.
ATC : Les podcasts sont très sourcés, d’ailleurs une bibliographie les accompagne, c’est la valeur ajoutée à votre travail. Comment se passe la recherche des sources ?
Guillaume Diana : J’utilise principalement deux sources papier et les encyclopédies en ligne. Mon ouvrage préféré, presque de chevet, est le Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine de Pierre Grimal, paru aux PUF.
Son travail de compilation, lui aussi sourcé, est essentiel pour moi. Il n’est pas exhaustif, ce qui s’entend, et manque parfois de clarté dans les références, mais il est un outil même indispensable. La seconde source sur laquelle je m’appuie est Les mythes grecs de Robert Graves (en traduction chez Le Livre de Poche, dans la collection La Pochothèque).
Cet ouvrage a l’avantage de présenter plusieurs versions et, surtout, de renvoyer à des sources selon chacune. Le débroussaillage des sources est ainsi déjà amorcé. Parmi les encyclopédies en ligne, évidemment Wikipédia est un outil désormais fondamental et incontournable. Je me tourne plutôt vers les articles en italien ou en anglais que vers ceux en français, puisqu’ils manquent selon moi de précision.
La compilation de ces trois références, papier et électronique, me permet de créer les dossiers documentaires qui accompagnent chaque podcast. Je souhaite rendre facilement accessibles ces extraits aux collègues ainsi qu’aux curieuses et aux curieux qui souhaiteraient lire des textes antiques parlant de mythologie.
ATC : Tous les publics peuvent écouter les podcasts “Par le petit bout du mythe” : vous envisagez aussi une utilisation en classe ?
Guillaume Diana : J’ai réfléchi mon projet de podcast comme plus adulte et plus littéraire que ceux qui peuvent être proposés par ailleurs. En général, on écoute une narration pure, et assez peu de textes : c’est le cas de nombreux ouvrages qui traitent de mythologie. Je pense que le type de contenu que je propose peut être utilisé en classe inversée, ou simplement en prolongement de notions abordées en classe. D’ailleurs, les dossiers documentaires seront certainement augmentés au fil des années, et comprendront même des œuvres iconographiques. Mais chaque chose en son temps !
ATC : Vous avez aussi une chaîne Youtube, quel est selon vous l’intérêt des supports audio ?
Guillaume Diana : La première chose importante me semble être l’accessibilité : des vidéos sur YouTube et des épisodes de podcasts sur les plateformes d’écoute peuvent être écoutés n’importe où, à n’importe quel moment, sur tout support connecté. Et le tout est gratuit. Sur la chaîne « Le prof de latin-grec », je publie surtout des vidéos de grammaire. Je les utilise très fréquemment pour prolonger mon cours : l’association à des exercices sur Quizinière reste redoutablement efficace ! Les élèves vont ainsi à leur rythme, peuvent réécouter, revenir en arrière, arrêter la vidéo selon leurs besoins.
Tout cela remonte d’ailleurs au premier confinement : à l’époque, je n’avais pas pu faire l’initiation aux langues anciennes comme je le fais chaque année (en Sixième pour le latin, en Quatrième pour le grec ancien -car oui, j’ai la chance d’enseigner le grec !-). Les deux vidéos d’initiation (latin et grec) ont été regardées par bon nombre de familles et d’élèves. Depuis, je les exploite à la fois au moment des séances d’initiation et au moment de l’inscription aux options. Je me suis pris au jeu de la création de ces contenus, plus maîtrisés et adaptés à mes enseignements que d’autres vidéos.
Je me place aussi dans la posture d’élèves qui ont tendance à passer très rapidement d’une chose à l’autre. Avoir ces vidéos assez courtes peut rassurer les élèves. On n’est pas au niveau des Shorts sur YouTube, vidéos TikTok ou Reels sur Instagram, mais peut-être que je me lancerai un jour !
ATC : Etes-vous accompagné pour la création des supports ? Peut-on voir les coulisses ?
Guillaume Diana : Pour l’instant, je réalise l’ensemble des épisodes seul. C’est d’ailleurs ce qui me fait prendre du retard sur la publication de dossiers documentaires sur le site du podcast. Je pense que d’ici l’été et la fin de la première saison, tous les dossiers seront mis en ligne.
Avec un rythme de publication mensuel, les épisodes s’enchaînent assez vite : j’ai besoin de temps pour mes recherches de textes, la sélection, l’écriture de l’épisode, l’enregistrement et le montage ! Disons que la partie compilation est celle qui me plaît le plus, avec l’enregistrement. J’ai souvent l’impression de revenir en Master, traversant les textes antiques à la recherche d’extraits intéressants.
Les miniatures sont aussi de ma création, en m’appuyant sur des œuvres existantes (peintures, fresques, esquisses ou lithographies, etc.). Je compilerai l’ensemble des sources le plus clairement possible. La musique, cependant, n’est pas une création personnelle : un ancien élève que j’ai connu à Suresnes, Alexandre Marier, en est l’auteur. Je vous laisse découvrir ses créations sur son Instagram (https://www.instagram.com/alex.marier/). Il a fait un travail formidable pour créer un générique qui me plaît beaucoup.
Du point de vue technique, on va dire que mon setup est assez réduit :
-un Zoom H5 comme enregistreur, afin de rester éloigné de l’ordinateur ;
-un micro RØDE Podmic, son câble et son trépied.
Je n’ai pas encore prévu de faire de version filmée du podcast, donc pour le moment, ma voix sera mon seul outil ! Je vous laisse découvrir en images ce micro-studio d’enregistrement !
Julie Wojciechowski
Pour écouter tous les podcasts de “Par le Petit Bout du Mythe” : https://www.parlepetitboutdumythe.fr/
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