Entretien avec Brice Lopez : En route pour les Jeux Olympiques 2024 avec Acta Archéo

Pour Arrête ton char ! je suis allée à la rencontre de Brice Lopez, créateur et co-gérant d’Acta Archéo.

 

ATC : Bonjour Brice Lopez, pouvez-vous nous présenter en quelques mots Acta Archéo ?

Brice Lopez : ACTA a pour but général de faire revivre par l’expérimentation les pratiques sportives du monde antique. L’objectif est avant tout heuristique et didactique. C’est la recherche, l’élaboration de connaissances qui sont visées, et par conséquent leur diffusion. Il apparaît essentiel que celle-ci ne soit pas limitée à l’habituel cercle restreint d’experts et d’initiés, et qu’elle puisse s’étendre au tout public, avivant sa curiosité et son désir de savoir. Pour cela, ACTA s’appuie sur une démarche innovante et exigeante, celle de l’archéologie expérimentale, et transmet au public les avancées de ses recherches par le biais d’animations pédagogiques vivantes et variées. 

Autour du pentathlon

Acta est avant tout une entreprise de médiation culturelle.

 

ATC : Vous n’œuvrez pas que pour les groupes scolaires ? 

“Lanista, entraînez vos gladiateurs” : vous incarnez un laniste, c’est-à-dire un propriétaire d’école de gladiateurs dans l’Antiquité romaine.

Brice Lopez : Nous intervenons en milieu scolaire principalement : environ 500 établissements partenaires mais aussi sur des sites archéologiques, dans des musées et parfois même dans le cadre privé (un peu comme les gladiateurs antiques 🙂). Ponctuellement nous sommes appelés afin de faire des documentaires pour la télévision et nous réalisons nous-mêmes des vidéos à vocation pédagogique. Récemment pour Nota Bene sur le business autour de la gladiature, avec ma femme Sonia et ma fille Meryl, nous avons écrit un scénario qui a servi de base à la dernière vidéo. Nous créons des expositions, nous fabriquons des objets de médiation, des jeux historiques et nous éditons des ouvrages.

Acta, ce sont 12 personnes entièrement dédiées à la médiation historique. Un de nos sujets de recherche est le sport et plus particulièrement les J. O. antiques.  

 

ATC : Dans quelle mesure faut-il connaître l’Antiquité grecque dans sa globalité pour aborder les Jeux Olympiques ?

Brice Lopez : Notre approche est d’abord expérimentale : c’est-à-dire répondre à des problématiques posées par les sources archéologiques et historiques et répondre par l’expérimentation. Ce processus est long et complexe. Je vous invite à consulter mes différentes publications sur le sujet : https://www.acta-archeo.com/ressources/ressources-historiques-jeux-olympiques.html

Cependant il n’est pas nécessaire de connaître TOUTE l’histoire grecque pour aborder le sujet.

 

ATC : On voit l’importance des sources dans le travail de reconstitution, comment y accède-t-on ? 

Statuette du Danseur d’Autun image ACTA
CNRS Corinne Sanchez. Photo F.Bellet

Brice Lopez : Il y a presque 30 ans quand j’ai commencé, les sources archéologiques étaient quasiment inaccessibles pour un non universitaire. Aujourd’hui avec le développement d’internet c’est un peu plus facile. Les premières années j’ai acheté beaucoup d’ouvrages. J’ai essayé de trouver un maximum de photos des sources archéologiques grecques et romaines grâce aux publications grand public mais aussi aux ouvrages pour spécialistes disponibles en librairie. Puis j’ai arpenté les bibliothèques universitaires et j’ai contacté beaucoup d’archéologues et d’historiens pour obtenir des sources. Les sources archéologiques sont parfois mal interprétées, par exemple il y a une statuette bien connue découverte à Autun et conservée au Louvre qui porte le nom du Danseur d’Autun. En fait quand je l’ai vue la première fois j’ai tout de suite compris que ce n’était pas un danseur mais un combattant faisant un coup de pied direct, un pancratiaste. Certaines statuettes sont difficiles à identifier. Récemment j’ai été contacté par une archéologue pour une main de terre cuite qu’elle pensait être une main de gladiateur, en réalité une main de pugiliste découverte dans le port de Narbonne antique. La statue complète devait être magnifique.

 

Saut avec haltères

ATC : On voit donc que le travail de correction fait partie de vos préoccupations, quel type d’erreurs concerne le sport ?

Brice Lopez : Les erreurs sur les sports antiques sont plus du domaine sportif, il y a parfois une incompréhension des fondamentaux qui régissent la pratique et donc une mauvaise description de celle-ci. C’est moins négatif qu’avec les gladiateurs.

 

ATC : Pourriez-vous nous dévoiler dans les grandes lignes les points de rapprochement et les divergences entre les  JO antiques et modernes ?

Brice Lopez : Les J.-O. antiques et les J.-O. modernes ont finalement peu de point commun si ce n’est peut être, d’être le plus grand évènement sportif de leur époque respective. Les jeux grecs sont sacrés et se déroulent toujours à Olympie alors que les jeux modernes sont strictement non religieux et se déroulent dans des villes différentes. Les stades antiques et les stades modernes sont très différents : le grec long et très étroit, le nôtre plutôt elliptique et presque aussi large que long. Les athlètes grecs sont des citoyens non professionnels, aujourd’hui nos athlètes sont presque tous pros.

L’Orthepale, du grec Orthos, debout, et de Pale, lutte, désigne une très ancienne discipline, dont les premières attestations remontent au troisième millénaire avant notre ère. L’Orthepale, fait son entrée aux Jeux Olympiques en 708 avant notre ère.

 

ATC : Que montre Acta Archéo en démonstration ?

Brice Lopez : Nous montrons le pentathlon grec, le pugilat, la lutte orthopale et parfois le pancrace. Nous parlons et montrons aussi du tir à l’arc notamment au papegai comme Ulysse et ses camarades dans l’Odyssée.

 

ATC : Reconstitution, expérimentation, histoire vivante : pouvez-vous nous expliquer la différence ? Où se situe Acta Archéo ?

Brice Lopez : Pour moi l’histoire vivante est un média comme un autre il a des bons côtés et des mauvais côtés.  Il faut absolument être très précis et très honnête dans ce que l’on fait et bien distinguer : reconstitution, expérimentation, histoire vivante, spectacle,… tout a une valeur, une importance mais pas toujours la même et il faut savoir dire honnêtement ce que l’on fait à son public.

La reconstitution c’est le fait de reproduire un objet historique avec une grande rigueur, faire une copie exacte.

L’expérimentation est un procédé scientifique complexe qui met les données archéologiques et historiques sous le feu de protocoles et d’expériences afin de retrouver des gestes. Par exemple, comment faire du feu à la préhistoire, comment lancer le pilum comme le soldat romain, comment sauter avec des haltères comme dans les jeux grecs. C’est un procédé scientifique long.

L’histoire vivante, c’est le fait de rejouer des moments d’histoire avec plus ou moins de rigueur, c’est du spectacle vivant.

Il peut aussi y avoir des ateliers pour permettre au public d’éprouver lui-même certains gestes.

Nous faisons de l’expérimentation, de la reconstitution et de l’histoire vivante et aussi des purs spectacles amusants peu rigoureux historiquement mais très fun.

 

ATC : Quelle préparation physique est nécessaire ? Est-ce la même pour tous les reconstituteurs ?

Brice Lopez : Pour faire l’expérimentation des sports historiques il faut un bon, voire très bon niveau en sport et une bonne condition physique. A 53 ans je fais encore du sport tous les jours au moins une heure et ça depuis que je marche. Pour le spectacle, l’histoire vivante ou la reconstitution, ce n’est pas la même exigence car on reproduit des actions déjà validées et donc choisies.

La course en armes ou Hoplitodromie. Vase à figues noires. Musée national Athènes

 

ATC : Comment définissez-vous justement l’expérimentation des sports historiques ?

Brice Lopez : Nos recherches s’appuient sur plusieurs méthodes et protocoles conjoints : archéologie expérimentale, archéologie du geste, expérience de situations données. L’expérimentation des sports historiques est la mise en œuvre d’un catalogue de conservation des gestes, dans notre cas « athlétiques ». Elle est complétée par la suite par toutes les formes d’analyse et de déduction propres à l’historien et à l’archéologue permettant ainsi une réappropriation des sources.

Il est possible de découvrir une nouveauté à partir d’une situation inattendue mettant en œuvre des gestuelles expérimentales, sans pour autant que la situation ne fasse partie du protocole. Par exemple, l’utilisation de gestes précis issus de l’expérimentation lors de médiations peut ponctuellement faire émerger une situation inattendue fournissant le point de départ d’une découverte importante.

Nos recherches s’appuient sur 3 grands corpus : les sources archéologiques directes, dits artefacts, découverts au fil des siècles par les archéologues, les sources archéologiques indirectes composées principalement de l’iconographie et des inscriptions latines et grecques et, pour finir la littérature classique constituant pour nous une source tertiaire. Ces 3 sources différentes peuvent être étudiées de façon expérimentale par trois méthodes différentes : l’archéologie expérimentale, l’archéologie du geste, l’expérience de situations données.

L’archéologie expérimentale est la restitution du fonctionnement possible d’un objet archéologique. L’archéologie du geste est la restitution d’un geste possible issu de l’analyse d’images archéologiques.

Discobole Lancellotti, copie romaine, vers 120 ap. J.-C.

 

ATC : 2024 est particulièrement symbolique pour vous, à plein de titres ?

Brice Lopez : Pour moi 2024, va marquer 30 années d’expérimentation, 35 années d’enseignements du sport et aussi le retour à des sports que j’ai pratiqués plus jeune comme la course avec plusieurs gros événements. Ce sera aussi le 20ème anniversaire de la sarl ACTA.

 

ATC : Comment se préparent les JO chez Acta ? 

Brice Lopez : Nous préparons plusieurs programmes :  un ouvrage sur les sports dans l’Antiquité, une exposition sur l’histoire du sport, un projet de tour de France des sites historiques en courant en tenue grecque et nous continuons nos activités avec  les musées et les collèges.

Donc une année 2024 qui sera très très chargée.

 

ATC : Avez-vous un souvenir marquant ou une rencontre coup de cœur ?

Brice Lopez : Le coup de cœur de ma vie est uniquement celui que j’ai eu pour mon épouse. Je ne suis pas un gros sentimental. Mais j’ai eu des rencontres marquantes avec des gens que j’ai côtoyés plus ou moins: Dario Battaglia, Paul Veynes, Jean Claude Golvin, Christian Landes, de nombreuses personnes sur les sites historiques et certains enseignants qui m’ont beaucoup marqué.

Et puis j’ai rencontré un ami qui est comme un frère et qui travaille avec moi depuis 30 ans Pierre Dufour.

 

ATC : Si l’on veut aller à la rencontre d’Acta Archéo, quels événements sont programmés ?

Brice Lopez : Il faut aller sur le calendrier www.acta-archeo.com et nous suivre sur les réseaux car nous avons sur les deux années à venir des dizaines d’événements super sympas : Bliesbruck, Vieux la romaine, Arles, Chassenon, Saintes,.. https://www.acta-museo.fr/events.html

 

Julie Wojciechowski

 

Si vous cherchez à promouvoir cette période de l’Histoire et dans cette période de l’Histoire les pratiques sportives et pratiques de spectacle, n’hésitez pas à contacter https://www.acta-archeo.com/.

A propos ju wo

Professeur de français et des options FCA et LCA dans l'académie de Lille. Passionnée de cultures antiques et de langues anciennes, attachée au rayonnement et à la promotion des cultures antiques dès l'école primaire. Responsable du concours ABECEDARIVM pour l’association ATC.

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