Total War : Rome 2, ou quand l’antiquité fait recette.

Le jeu Total War : Rome 2 (que j’appellerai par la suite TWR2 pour plus de commodité) propose au joueur d’incarner une puissance du monde antique afin de la mener vers la suprématie.

Ces puissances sont nombreuses, et appelées factions : Rome bien sûr, ou plutôt une des 3 gentes proposées ( Junia, Cornelia, ou Julia), mais aussi les Athéniens, les Carthaginois, les Egyptiens, par exemple. Il est également possible de commander des peuples moins “favorisés” historiquement, comme les Parthes, les Arvernes ou les Suèves, par exemple.

Des supplèments, peuvent être achetés, qui permettent de jouer d’autres factions (Spartiates, Séleucides, Scythes, etc) ou de jouer un scénario précis, comme “Hannibal aux portes de Rome”, ou “César en Gaule”.

Déroulement d’une partie

Le jeu fonctionne toujours en deux phases bien distinctes.

  • Le joueur est devant une carte, découpée en provinces (57), elles mêmes découpées en régions (183 en tout). Chaque région dispose d’une ville, dont l’importance varie ( Rome a un bien plus grand potentiel d’agrandissement que Brundisium, et surtout, dispose de murs de protection). Dans chaque ville que possède le joueur, il est possible de construire des bâtiments qui auront divers effets : recruter des troupes avec une caserne, améliorer l’ordre public avec des temples (chaque divinité a ses avantages et inconvénients), ou produire de la nourriture dans un port grâce à la pêche, ou grâce aux champs de cultures, par exemple.Par ailleurs, toutes les unités que le joueur entraîne font partie d’une légion (ou d’une flotte) menée par un général, dont le nombre est limité par la taille de l’empire du joueur. Chaque armée a droit à une certaine distance de déplacement et à des mouvements d’attaque. Lorsque le joueur a fini tous ses déplacements, et qu’il n’a plus rien à faire, il passe son tour. Les autres factions jouent alors, soit contrôlées par l’ordinateur, soit par d’autres joueurs si la partie est en ligne. Lorsque toutes les autres factions ont joué, le joueur joue à nouveau.
La carte de campagne : courage, il faudra civiliser tous ces barbares !

 

  • Les choses changent lorsque deux armées se rencontrent, ou qu’une armée commence le siège d’une ville. Il s’engage alors une bataille, “en temps réel”  et en 3 dimensions : chaque joueur place ses unités lors de la phase de “déploiement”, puis la bataille commence et il faut donner des ordres à chaque troupe pour gagner. Les types de troupes sont très nombreux, et leur bonne utilisation très importante, nous y reviendrons.
Pas toujours facile de gérer une bataille de grande envergure !
Les batailles se déroulent sur mer aussi, mais elles sont moins travaillées.

Qualités du jeu

 La richesse

Prenons l’exemple des Romains. Vous aurez à recruter, puis commander, toutes sortes de troupes avec leurs forces et leurs faiblesses : les triarii et les hastati avec leurs lances, les vélites et leurs javelots, les principes expérimentés, mais aussi les chiens de guerre, ou les equites, cavalerie légère ou lourde, par exemple. Lorsque vous attaquerez des villes fortifiées, vous aurez la possibilité de monter sur les murs avec des échelles, ou des tours de siège, ou bien de détruire ces mêmes murs à coups d’onagre (dont j’ai appris grâce à ce jeu que le nom venait de sa “ruade” lorsqu’il tirait). Je ne développe pas les autres engins comme le scorpion, la baliste, la catapulte ou le polybolos.

Des principes en train de former la tortue offensive.

Si vous jouez les Carthaginois, vous aurez avec vous les fameux et capricieux éléphants de guerre, qui pourront effectivement revenir vers vos pauvres soldats, comme à Zama. Si vous jouez les Athéniens, vous pourrez compter sur de solides phalanges d’hoplites.

Une phalange de lanciers, avec leur bouclier de bronze et leur redoutable sarisse.

Le réalisme des batailles

En dehors de toute considération morale, quel plaisir lorsque l’on se retrouve à penser en général d’armée ! Il ne s’agit pas tant de se débarrasser de l’ennemi que de le faire en minimisant ses propres pertes : lors d’une bataille, une défaite, ou même une victoire à la Pyrrhus peuvent sérieusement compromettre vos chances de victoire à longue échéance ! On se retrouve donc rapidement à placer soigneusement ses unités, à cacher quelques hommes dans la forêt pour prendre l’ennemi de flanc, à se servir de la cavalerie pour déborder l’adversaire. Car le joueur ne tarde pas à comprendre que les armures, les capacités au combat des soldats sont importantes, mais que le moral des troupes l’est encore plus. Il faut démoraliser l’adversaire pour écourter le combat et sauver la vie de vos soldats. Avoir son général au bon endroit au bon moment pour galvaniser les troupes qui perdent confiance peut changer l’issue d’une bataille. Souvenez-vous des batailles de Cannes, du lac Trasimène, ou encore de la victoire de César contre Pompée à Pharsale : auriez-vous fait “aussi bien” ? (je ne peux m’empêcher de mettre des guillemets, toutes mes puritaines excuses).

Voilà une victoire contre la ligue étrusque qui me vaudra au moins un triomphe !

 

 Le réalisme géopolitique

Les créateurs du jeu ont bien préparé leur carte de campagne. Si l’on commence une partie avec les Romains, très vite, le Sénat nous demande de conquérir le nord de l’Italie, occupé par la ligue étrusque. Mais on se rend compte qu’il est difficile, avec les maigres forces que l’on a, non seulement de conquérir les deux villes que les Étrusques possèdent, mais également de défendre son territoire contre leurs invasions, tout en surveillant le Sud de l’Italie, car les Carthaginois ne sont pas loin, et ne tardent pas à lorgner sur Syracuse.

Si l’on commence avec les Spartiates, il devient très vite tentant d’annexer cette cité bien dérangeante qu’est Athènes, et qui nous empêche de circuler librement. Il est également possible de conclure des alliances bien sûr, mais rien n’est jamais aussi fiable qu’une conquête, non ?

Le réalisme de la gestion des ressources

Pour étendre son territoire, il faut des armées. Pour avoir des armées, il faut de l’argent, pour les recruter, mais aussi les entretenir. Pour avoir de l’argent, il faut une économie solide. Pour avoir cette économie solide, il faut des routes commerciales sûres avec des alliés, et des cités puissantes. Pour avoir des cités puissantes, il faut des bâtiments qui coûtent cher, et maintenir l’ordre public et le bonheur des citoyens (panem et circenses !). Pour que les routes commerciales soient sûres et rentables, il faut les protéger des pirates et autres armées qui font des incursions sur notre territoire, et donc… il faut des armées. Voilà, à grands traits, le cercle “vertueux”  que vous devrez créer et maintenir dans TWR2.

Un peu plus qu’un jeu : une encyclopédie

TWR2 est doté d’un manuel intégré. À n’importe quel moment, il est possible de le consulter pour connaître les caractéristiques d’une unité ou d’un bâtiment, ou encore un mécanisme du jeu. Mais ce manuel fourmille également d’informations sur l’antiquité. Le jeu devient réellement une source impressionnante de connaissances. Il est d’ailleurs possible de consulter cette encyclopédie en dehors du jeu, sur ce site.

Prenons l’exemple de l’article “général et garde du corps” : En introduction, des informations historiques plutôt intéressantes y sont fournies, puis une image tirée du jeu, et enfin les informations propres au jeu lui-même, la partie “manuel”. L’article “onagre” que j’ai cité plus haut est intéressant à lire également.

 

 

Pour conclure, il me semble qu’à l’heure ou la plupart des jeux vidéo se servent de l’antiquité comme prétexte, comme fond pseudo-culturel aguicheur, alors que le joueur n’a qu’à appuyer sur des boutons sans jamais réfléchir ni se cultiver, on peut saluer l’effort des développeurs, qui suivent en quelque sorte le vers très pédagogue de La Fontaine, “En ces sortes de feintes il faut instruire et plaire”.
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A propos Christophe Cazaux-Rocher

Professeur de Français et de Latin au collège Germillac de Tonneins, dans le Lot et Garonne.

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