A mille lieues des revendications corporatistes et des déplorations du temps passé, le collectif “Arrête ton char ! les Langues et Cultures de l’Antiquité aujourd’hui” est tourné vers l’avenir, la mutualisation et l’innovation pédagogique. Le collectif a ainsi jugé bon de faire quelques propositions à M. Benoît Hamon, Ministre de l’Education Nationale, concernant l’avenir de l’enseignement des Langues Anciennes.
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I. BILAN
1°) Langues Anciennes, Langues vivaces
Expositions, théâtre, cinéma et epic films, séries télé, documentaires, émissions de radio, littérature et littérature jeunesse, découvertes archéologiques, actualité journalistique, BD, mangas, jeux et jeux vidéos, naming publicitaire, expressions latines dans les langues modernes : force est de constater que les Langues et Cultures de l’Antiquité sont, au XXIème siècle, plus que jamais vivaces et ancrées dans le quotidien des Européens.
De 7 à 77 ans, elles séduisent toujours autant : qui pour leur dimension historique, qui pour leurs figures mythologiques, qui encore pour la place qu’elles laissent à l’imaginaire et au rêve.
Même si l’on peut se réjouir de cet engouement tous azimuts pour l’Antiquité, il faut également redouter le jour où, faute d’enseignement, le grand public ne pourra plus accéder aux langues et cultures de l’Antiquité que par l’intermédiaire des best-seller et blockbusters de l’industrie (américaine) du loisir.
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2°) L’enseignement
– La perception par le grand public de l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité est entourée de nombreux a priori : certains voient les LCA seulement comme un enseignement élitiste, permettant l’évitement des « mauvaises classes » et le gain de points au baccalauréat (beaucoup d’élèves ne se rendent compte qu’en Terminale de la mauvaise idée qu’ils ont eue d’arrêter en 3ème ou 2nde), d’autres comme un enseignement désuet qui ne sert plus à rien et dont les effectifs sont inévitablement voués au déclin.
– Cependant, et ce malgré les durs coups portés à ces disciplines depuis de nombreuses années (la concurrence avec les autres options et sections comme l’option Découverte Professionnelle et les sections européennes, la réforme du lycée assassine pour les options, l’optionnalisation de l’initiation au latin en 5ème…), on peut constater que la demande d’un enseignement des LCA se maintient et concerne actuellement, toutes classes confondues, 18% des collégiens et 6% des lycéens.
– Pour rappel, le latin reste, en termes d’effectifs, la troisième langue enseignée au collège après l’anglais et l’espagnol avec 501.775 élèves pour l’année 2012-2013. On atteint le chiffre de 535.926 en y ajoutant les effectifs de grec ancien*.
– Malgré cette forte demande sociale des LCA, les horaires hebdomadaires de ces disciplines sont presque systématiquement malmenés : tronqués et en-dessous des horaires planchers légaux et à des créneaux horaires dissuasifs et peu propices au travail (fins de demi-journée et parfois même durant la pause méridienne). Et l’élaboration des nouveaux programmes de l’école et du collège risque à nouveau, à l’horizon 2015-2016, de remettre en cause les horaires dévolus aux Langues Anciennes.
– Pourtant le dynamisme des enseignants et la vitalité de l’enseignement des LCA ne sont plus à prouver. En témoignent les nombreux sites Internet, blogs et associations d’enseignants, concours, semaines des langues anciennes et autres initiatives locales que la première édition du concours Jacqueline de Romilly en 2012 (108 dossiers déposés) et les deux Colloques Nationaux “Langues Anciennes, Mondes Modernes” (2012 et 2013) organisés par l’Inspection Générale de Lettres, ont cherché à mettre en valeur.
– Création et utilisation des bases de textes et dictionnaires en ligne, travail avec le traitement de texte et les éditeurs de texte collaboratif en ligne pour la traduction, exploitation des bases iconographiques, utilisation des terminaux mobiles et des réseaux sociaux… les Langues et Cultures de l’Antiquité sont aussi depuis longtemps à la pointe de l’utilisation pédagogique des TICE (Technologies de l’Information et de la Communication pour l’Enseignement).
– Pourtant, le Ministère, là encore, a décidé début mars 2014, sans aucun préavis de déprogrammer la deuxième édition du Prix Jacqueline de Romilly, abandonnant ainsi professeurs et élèves ayant préparé studieusement cet événement.
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3°) Les enseignants
– Le passage à la masterisation du concours n’a évidemment rien arrangé au manque d’attractivité du métier en général et en particulier à la difficulté de recrutement des enseignants déjà peu nombreux dans cette filière. Depuis plusieurs années déjà le nombre de lauréats du concours ne permet plus de remplacer les professeurs qui partent en retraite.
– On constate une inégalité de traitement selon les territoires et les établissements et d’énormes différences de formation des enseignants. Si les professeurs de Lettres Classiques sont “solides” disciplinairement, ils sont en revanche plus ou moins bien formés au métier selon leur académie d’origine.
– Il est inadmissible de voir des cours de LCA confiés à des collègues qui n’y sont pas formés (enseignants de Lettres Modernes non latinistes, Histoire-Géographie voire contractuels) . Cette situation est d’autant plus intolérable que dans certains établissements des enseignants de Lettres Classiques qui ont des classes en français-lettres pourraient assurer ces heures.
– Quant aux remplacements des enseignants de Lettres Classiques, l’Institution n’est tout bonnement plus capable de les assurer : dans le meilleur des cas, les élèves latinistes et hellénistes se retrouvent face à un enseignant de lettres modernes qui se sent souvent lui-même impuissant face à cette situation.
– Aujourd’hui de nombreux enseignants sont découragés à la fois par leur isolement au sein de leur établissement mais surtout par le combat permanent qu’ils ont à livrer sur tous les fronts : recrutement des élèves en 5ème, défense des horaires alloués à leur discipline chaque année au moment du vote de la Dotation Horaire Globale en Conseil d’Administration, justification de l’utilité de leur option et de leurs projets auprès de l’administration de l’établissement ou du rectorat. Beaucoup ont également la désagréable impression que la nouvelle mouture du Capes de Lettres n’est qu’une étape de plus dans une patiente et insidieuse entreprise d’éradication de l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité.
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II. OBJECTIFS DU COLLECTIF
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Le collectif “Arrête ton char ! les Langues et Cultures de l’Antiquité aujourd’hui” :
● a pour objectif de créer une communauté active de personnes, enseignants ou non et de tous âges, intéressées par les Langues et Cultures de l’Antiquité.
● souhaite, par le biais de sa plate-forme Internet, contribuer à la vitalité des “humanités numériques”.
● se veut force de proposition pédagogique autonome, sans lien politique.
● cherche à promouvoir l’enseignement des langues et cultures de l’Antiquité du primaire jusqu’au supérieur et à créer des liaisons entre les niveaux primaire, secondaire et supérieur.
● assure une veille pédagogique et documentaire pour diffuser documents et ressources multimédias sur les Langues et Cultures de l’Antiquité.
● compte devenir un espace d’échange autour de pratiques pédagogiques variées, innovantes et interdisciplinaires en Langues Anciennes.
● tente de démontrer la plus-value pédagogique que peut apporter l’utilisation raisonnée des TIC en cours de Langues et Cultures de l’Antiquité.
● ambitionne de promouvoir les filières littéraires trop souvent méprisées dans le système scolaire français.
● réclame une revalorisation importante de l’enseignement du grec ancien
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III. PROPOSITIONS DU COLLECTIF AU MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE
Aux concours
– Nous demandons que tous les candidats préparant un concours qui les destine à enseigner le français ou une langue romane (italien, espagnol) reçoivent une formation solide en latin, langue mère, dont la connaissance est indispensable pour l’enseignement de sa discipline.
– Nous réclamons l’égalité de traitement des candidats au concours du Capes de Lettres : les candidats « option lettres classiques » doivent avoir le même choix d’options que les candidats « option lettres modernes » pour leur oral d’admission (une évaluation exigeante des connaissances disciplinaires en langues anciennes pouvant être envisagée à l’occasion des épreuves écrites).
Dans les établissements
– Dans le but d’assurer l’égalité républicaine devant l’éducation, nous demandons au Ministre de l’Education Nationale et à chaque recteur d’académie :
● de s’assurer que les heures d’enseignement de langues anciennes sont assurées par un enseignant de lettres qui a suivi, dans ses études supérieures, un enseignement approfondi et dûment validé dans la langue ancienne concernée. Dans le cas où un enseignant aurait un service à réaliser sur plusieurs établissements, cela doit se faire seulement sur la base du volontariat
● de veiller au respect scrupuleux des horaires légaux accordés aux cours de Langues et Cultures de l’Antiquité dans tous les établissements et de s’assurer que ces heures de cours ne soient pas placées systématiquement à des horaires dissuasifs ; nous réclamons que soit mis fin à la pratique des horaires inférieurs aux horaires planchers de la discipline et cela sans condition d’effectifs
● de rappeler aux chefs d’établissements et enseignants que la liberté de choix de l’option Langues et Cultures de l’Antiquité en 5ème (pour le latin) et en 3ème (pour le grec ancien) concerne tous les élèves et ne saurait être remise en cause pour des raisons de niveau scolaire de l’élève ou de numerus clausus des effectifs de latinistes ou d’hellénistes
● de faire le nécessaire pour rendre possible la poursuite conjointe de l’étude des langues vivantes et d’une langue ancienne au lycée comme au collège, notamment dans les classes à projets spécifiques en langues vivantes (type sections européennes)
● de faire en sorte que l’option facultative et l’enseignement d’exploration “LCA” soient proposés avec des horaires distincts dans chaque lycée.
● de permettre au collège la poursuite conjointe en classe de 3ème de l’option Langues et Cultures de l’Antiquité et de l’option de découverte professionnelle.
– Le Collectif “Arrête ton char ! Les Langues et Cultures de l’Antiquité aujourd’hui” défend une conception de l’enseignement du latin et du grec ancien ouverte à tous les élèves, quel que soit leur niveau et quelle que soit leur orientation, puisque nous croyons à l’intérêt de cet enseignement pour affiner ou consolider les autres apprentissages. Les LCA : un enseignement élitiste pour tous, et utile à tout.
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Toute l’équipe d’« Arrête ton char ! » encourage donc tous les amoureux des Langues et Cultures de l’Antiquité à garder espoir dans notre cause et à redoubler d’efforts pour la promouvoir en rejoignant le collectif d’une façon ou d’une autre :
→ en signant cette liste de propositions du collectif
→ en vous proposant comme membre rédacteur du site ou en proposant d’y publier vos propres ressources pédagogiques
→ en vous abonnant à la liste de diffusion des actualités du site (un message par semaine)
→ en ouvrant un compte sur le réseau social du site
→ en participant aux différents forums ouverts sur le site
→ en relayant les articles et ressources du site sur les réseaux sociaux et parmi vos contacts
→ en nous aidant à compléter la carte des établissements en attente d’un professeur de LCA : https://www.arretetonchar.fr/carte_penurie_profslca/
→ vous pouvez également signer et diffuser la pétition du Collectif en faveur de l’enseignement des Langues et Cultures de l’Antiquité :
• http://www.change.org/fr/pétitions/sauvegardez-l-enseignement-des-langues-anciennes-en-france-capeslc
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